lundi 31 décembre 2012

Man From The South: "Koblenz" (Quadrofoon/Whipping Post Music, 2012)


Il y a d'abord un lieu, un endroit inaccessible, qui demande un effort pour l'atteindre, pour retrouver l'idiome perdu d'un langage permettant d'entrer en contact avec soi-même, avec cette douce mélancolie propre à l'homme qui se retrouve sans voix, devant un affect qui l'invite à sortir de lui-même et à entrer en contact avec l'Autre. Bien souvent, le folk, sa guitare acoustique, est un médium efficace pour se déplacer d'un point à l'autre sur la carte de la dépression et même malgré les tempêtes. Mais quel est ce lieu, ce sud qui demande à être topographié, pour le faire exister enfin et délimiter les frontières d'une individualité? Si cet homme vient du sud (mais de quel sud parle-t-il?), il doit en connaître ses moindres recoins, les endroits reculés où il est possible de se perdre sans qu'une âme humaine ne vienne perturber les rêves éveillés.

Si l'homme du sud se nomme Paul van Hulten, c'est qu'il est néerlandais et si le titre de l'album fait référence à une ville d'Allemagne, c'est qu'il cherche à brouiller les pistes ou du moins multiplier les lieux, les références à une cartographie poétique. On se demande ce qu'il cherche, d'où il cherche à s'enfuir, parce qu'il y a nécessairement une forme de fuite (ou une géolocalisation) pour s'approprier une identité autre, ou simplement pour se faire voir, s'identifier. Van Hulten se cherche, à travers des images de lui-même. Un visage en gros plan, nous permettant d'explorer ses traits et son regard, de se perdre dans le grain de sa peau, comme autant de routes vers un inconscient qui ne demande qu'à s'allumer dix fois de suite. Mais le risque est d'y perdre un doigt, à force de fingerpicking sur six cordes.

Man From The South est une de mes découvertes de l'année 2012, accessible, qui mérite d'être diffusée. Son folk légèrement expérimental adopte des teintes variées grâce à des accompagnements riches et variés et nous entraîne dans une écoute contemplative, comme un marche dans une ville étrangère. «Koblenz» est un disque presque sans failles, on regrette seulement les moments où il nous invite dans des lieux connus, plus vers la fin de l'album, qui fréquente des endroits déjà explorés par les Townes Van Zandt de ce monde. Avec "Hardy Man" et "Ain't That Sweet to Me", Man From The South se rapproche plus du folk américain traditionnel, avec des relents plus rythmés de country et honky-tonk. On l'aime cependant plus lent et mélancolique, comme sur les superbes «Welcome to Camacua» et «Bring me home».

Je ne saurais recommander plus chaudement cet album. Superbe disque qui plaira aux amateurs de folk triste, disponible en téléchargement gratuit sur Bandcamp mais aussi en vinyle sur Quadrofoon, pour les plus fortunés...



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