jeudi 12 juillet 2012

Gultskra Artikler: "Abtu/Anet" (Miasmah, 2012)

Je ne sais plus ce qui me passionne, j'achète tellement de disques que je ne sais plus quoi en faire sauf les accumuler. J'accumule des petits trous et attend le bon moment pour en jouir. Cette surconsommation a cependant modifiée ma façon d'acheter et a orienté mes recherches différemment. Plus que jamais, je me suis orienté vers l'étrange, le particulier, l'énigmatique et ce filtre est bien imprévisible. Je redécouvre des groupes abandonnés et craint le familier, comme si ce dernier serait une dépense injustifiée. Investir dans le familier serait synonyme d'échec, de paresse. Mais pourtant, je suis tenté d'y retourner constamment. Depuis quelques mois, je me dis que je vais écrire sur des disques limités, difficile à trouver, qui ne bénéficient pas d'une grande distribution et qui, c'est le principal critère, me laisse une vive impression. Ça fait déjà un bout de temps que je souhaite écrire sur le dernier album du russe Alexei Devyanin, qui produit sous le nom de Gulstkra Artikler, mais je ne savais pas par où commencer, ni comment l'aborder. J'ai découvert cet artiste sur un autre blog, un split très intéressant avec le groupe Lanterns. C'est cependant les pièces du premier qui m'ont le plus intéressé. Ce fut donc une agréable surprise de voir un disque de ce groupe paraître sur le label norvégien Miasmah. Ce label fait partie des rares qui poursuivent une vision en lien avec une esthétique particulière, qui privilégient l'obscurité et l'angoisse qui est souvent associée à la noirceure. Ils mélangent le folk, l'électronique et un peu de jazz (à défaut de meilleur terme) pour offrir un catalogue orageux et difficile d'accès. Deux des figures de proue de ce label sont les électroniciens Kreng et Svarte Greiner, le projet musical de Erik Skodvin, le patron du label. La musique de Gultskra Artikler est cependant moins oppressante (par moment)que celle de ses collègues et prend beaucoup plus de risques. Ce faisant, elle est aussi beaucoup plus inclassable. Difficile de discerner adéquatement ce que fait Devyanin; on reconnaît qu'il travaille avec des échantillons mais on ignore s'il joue ou non des instruments et s'il utilise sa voix. Le résultat est un collage surréaliste de discours, de sons et d'instruments, le tout déformé jusqu'à la limite du reconnaissable pour esquisser quelque chose qui s'apparente à un mélange de folk, de musique concrète et d'expérimentation brute. La présence de guitare acoustique sur plusieurs morceaux ainsi que le "chant", sont des éléments qui s'avèrent tout a fait saisissants dans leur contexte d'écoute. La chanson "Intensivnost Otrajenia" reflète parfaitement cette étrangeté et crée un des plus beaux moments du disque. Soulignons aussi la pièce complètement étrange qu'est "Glaznoe Dno Morskogo Chudisha" avec son raagini déformé, une ligne mélodique de "trompette" (fait avec la bouche?) juxtaposée, des cordes arrachées et un piano incohérent. Il faut préciser que "Abtu/Anet" consiste en deux disques différents, "Abtu" ayant paru sous forme de cd-r en 2007. On peut difficilement voir une progression dans la musique de Devyanin, les deux moitiés se recoupant dans cet espace vide habité par l'artiste. La seule chose qui m'est paru significative, est que la deuxième moitié (Anet) semble plus influencée par le travail des électroniciens nommés précédemment (Kreng, Svarte Greiner) et semble mettre de l'avant les plages électroniques plus ambiantes et sombres. Cependant, l'avantage de Gultskar Artikler réside dans le fait que les pièces sont relativement courtes et s'étirent rarement jusqu'à quatre minutes. Dans cet espace, il parvient à condenser une multitude d'idées et les projeter rapidement vers un ailleurs cohérent que lui seul connaît. Un disque étrange, très réussi.

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