lundi 31 décembre 2012

Man From The South: "Koblenz" (Quadrofoon/Whipping Post Music, 2012)


Il y a d'abord un lieu, un endroit inaccessible, qui demande un effort pour l'atteindre, pour retrouver l'idiome perdu d'un langage permettant d'entrer en contact avec soi-même, avec cette douce mélancolie propre à l'homme qui se retrouve sans voix, devant un affect qui l'invite à sortir de lui-même et à entrer en contact avec l'Autre. Bien souvent, le folk, sa guitare acoustique, est un médium efficace pour se déplacer d'un point à l'autre sur la carte de la dépression et même malgré les tempêtes. Mais quel est ce lieu, ce sud qui demande à être topographié, pour le faire exister enfin et délimiter les frontières d'une individualité? Si cet homme vient du sud (mais de quel sud parle-t-il?), il doit en connaître ses moindres recoins, les endroits reculés où il est possible de se perdre sans qu'une âme humaine ne vienne perturber les rêves éveillés.

Si l'homme du sud se nomme Paul van Hulten, c'est qu'il est néerlandais et si le titre de l'album fait référence à une ville d'Allemagne, c'est qu'il cherche à brouiller les pistes ou du moins multiplier les lieux, les références à une cartographie poétique. On se demande ce qu'il cherche, d'où il cherche à s'enfuir, parce qu'il y a nécessairement une forme de fuite (ou une géolocalisation) pour s'approprier une identité autre, ou simplement pour se faire voir, s'identifier. Van Hulten se cherche, à travers des images de lui-même. Un visage en gros plan, nous permettant d'explorer ses traits et son regard, de se perdre dans le grain de sa peau, comme autant de routes vers un inconscient qui ne demande qu'à s'allumer dix fois de suite. Mais le risque est d'y perdre un doigt, à force de fingerpicking sur six cordes.

Man From The South est une de mes découvertes de l'année 2012, accessible, qui mérite d'être diffusée. Son folk légèrement expérimental adopte des teintes variées grâce à des accompagnements riches et variés et nous entraîne dans une écoute contemplative, comme un marche dans une ville étrangère. «Koblenz» est un disque presque sans failles, on regrette seulement les moments où il nous invite dans des lieux connus, plus vers la fin de l'album, qui fréquente des endroits déjà explorés par les Townes Van Zandt de ce monde. Avec "Hardy Man" et "Ain't That Sweet to Me", Man From The South se rapproche plus du folk américain traditionnel, avec des relents plus rythmés de country et honky-tonk. On l'aime cependant plus lent et mélancolique, comme sur les superbes «Welcome to Camacua» et «Bring me home».

Je ne saurais recommander plus chaudement cet album. Superbe disque qui plaira aux amateurs de folk triste, disponible en téléchargement gratuit sur Bandcamp mais aussi en vinyle sur Quadrofoon, pour les plus fortunés...



lundi 17 décembre 2012

Bigg Jus: "Black Mamba Serums V2.0" (Big Dada, 2004)




Ne rien écrire depuis le mois d'août...un retour s'impose. Sachez que je ne suis pas demeuré inactif et que d'autres textes publiés ailleurs pourraient bien se retrouver ici.

J'ai donné un atelier d'écriture rap la semaine passée. La dernière fois que j'ai donné un tel atelier c'était il y a un an. Étrangement, à mon réveil le matin même de l'atelier, j'avais encore en tête un rêve frais fait au cours de la nuit; quelqu'un me faisait découvrir une chanson de rap montréalais en français, datant de 1988, soit une époque pré-MRF et qui sonnait nettement actuelle. J'étais fasciné et intrigué; comment avais-je pu passer à côté d'un tel groupe? Cela m'a ramené à réactualiser dans mon discours l'histoire du Hip-Hop montréalais. La préparation de cet atelier a nourri ma réflexion en lien avec des nouvelles prises de conscience (ou compréhension) face à la musique contemporaine et le rap en particulier. J'étais retourné depuis quelques jours dans cet album magistral de Bigg Jus, "Black Mamba Serums", paru en 2004, et son contenu prenait désormais un tout autre sens. Bigg Jus était membre du mythique trio Company Flow avec El-P et Mr. Len; groupe qui a marqué mon évolution dans le rap. Lorsque "Funcrusher Plus" est sorti en 1997, plus rien ne m'intéressait dans le rap américain, cela a changé radicalement à partir de ce moment. Autant au niveau de la production que de la façon de rapper, "Funcrusher Plus" était à des années-lumières de ce que je connaissais du rap. J'ai ce souvenir vivace de ma première écoute du single "Fire In Which You Burn Slow" chez DJ Naes, mon mélange d'incompréhension et d'étonnement m'a mis sur la piste de quelque chose de nouveau. On pouvait rapper différemment et sonner vrai, cru.



Cet unique véritable album de Company Flow avait des thèmes bien particulier, en lien avec la culture Hip-Hop, plus exploité par Bigg Jus que El-P. Sur cet album, les références au monde du graffiti y étaient explicite et certains textes étaient très pointus, ne pouvant s'adresser qu'à des graffiteurs ou des aficionados de cette culture. C'était l'époque où le Hip-Hop se définissait de plus en plus comme tel et où le souci de légitimité était à son paroxysme.



Alors que El-P faisait paraître en 2002 "Fantastic Damage" sur son propre label Def Jux, son collègue restait dans l'ombre et se montrait discret. On entendit très peu parler de Bigg Jus si ce n'est le 12" Lune TNS/ Big Justoleum,"Plantation Rhymes" paru en 2001 sur l'étiquette qu'il a lui-même fondé: Subverse Music. Cependant les locaux de Subverse étant situés à quelques rues du World Trade Center, ceux-ci ont été détruits avec les évènements du 11 septembre et Bigg Jus s'est relocalisé à Atlanta. Le e.p. "plantation Rhymes" a quand même vu le jour en octobre de la même année mais est passé inaperçu. La sortie de l'album complet a été retardée pour finalement voir le jour sur le label japonais P-Vine en 2002. Malheureusement pour les amateurs, ce disque a été produit en quantité limitée et ne s'est pratiquement pas rendu aux oreilles des amateurs nord-américains. Ceux-ci ont dû attendre jusqu'en 2004 pour bénéficier d'une version 2.0, gracieuseté de Big Dada. Mais en trois ans, la face du Hip-hop s'était transformée en même temps que celle des États-Unis et "Black Mamba Serums" perdait un peu de sa potentialité.

De nombreuses choses ont été dites au sujet de cet album mais c'est plutôt la façon dont le Hip-Hop s'est déployé depuis les dernières années qui vient ajouter des éléments nouveaux. À la lecture de "La condition postmoderne" de Jean-Francois Lyotard, on reste surpris par la justesse de sa vision à l'époque. L'auteur parle entre autre de la fin des grands récits, de la fragmentation du savoir en ilôts de déterminisme et des nouveaux enjeux de la légitimité. Au sein de la postmodernité. le Hip-Hop s'est positionné comme un anachronisme, une utopie de créer ce grand récit unificateur par les arts, s'adressant à cette jeunesse urbaine marginalisée. Certains de ses acteurs se sont positionnés dans cette optique alors que d'autres ont plutôt opté pour la logique d'efficacité /productivité. Dans une émission à la télé française, Jean-François Lyotard lance une phrase très intéressante à son interlocuteur lorsqu'il dit que la seule façon de résister à "Big Brother", est de se raconter des histoires, sur ses phobies d'enfant, sur son rapport à sa mère, etc. Au-delà (ou plutôt en-deça) des histoires de résistance spirituelle, du message chrétien d'amour fraternel, de théories du complot, c'est plutôt l'histoire personnelle qui sert de rempart à cet engloutissement de l'individu par la société. Car il ne s'agit pas juste d'une instance surveillante, mais bien d'un mouvement social, généralisé, aspiré par la technologie et les nouveaux médias. Peu importe qui sont les gens qui dirigent, qui des grands banquiers mondiaux sont reptiliens ou non, certains veulent résister mais de quelle façon peut-on s'y prendre ? Lyotard nous offre une piste.





"Black Mamba Serums" peut être considéré comme le point culminant du récit de la modernité du Hip-Hop et marque le début de sa défaillance en tant que récit constitutif. Sur ce disque, Bigg Jus résiste à sa manière, qui ressemble à celle des Cashinahua. Son récit est temporalisé par des noms, nombreux, qui viennent rendre le récit cryptique et hermétique. Que ce soit les différents noms de graffiteurs ou de crews new-yorkais qui l'on influencé, des noms rappeurs, de machines qu'il utilise pour la production... C'est un ensemble de noms qui viennent inscrire le récit de Bigg Jus à l'intérieur d'une communauté et d'une culture. Précisons qu'il ne fait pas juste décliner des lettres de noblesse, et nommer des noms sans aucune logique derrière, il s'en sert pour temporaliser, il raconte une histoire, il SE raconte. Justin Ingleton s'ancre dans une culture et une tradition propre à la ville de New-York et il nous parle de son entrée dans cette culture par les épiphanies qu'il a vécu. De plus, il illustre les règles d'une communauté et rappelle à l'auditeur que pour pouvoir prétendre s'inscrire dans un tel récit, il faut y être légitimé. L'exemple le plus criant de cette démarche est la chanson "Dedication to P.E.O." :



Le flow nonchalant et apparemment off-beat de Bigg Jus, lui sert à merveille dans sa fonction narrative et si celui-ci n'était pas suffisamment particulier, sa production est quant à elle déstabilisante. Les beats de Bigg Jus sont définitivement plus épurés que ceux de son collègue El-P, il s'attarde à des breakbeats classique, sur lesquels il plaque des échantillons en boucle. Rien de bien novateur dans l'approche, mais certaines compositions ressemblent plus à des collages sonores surréalistes, plus près de la musique concrète que du Hip-hop à proprement parler (voir la version originale de "Plantation Rhyme (runaway mix)" plus haut). La facture des instrumentaux est beaucoup plus expérimentale que ceux sur "Fantastic Damage" et ressemble un peu plus aux sonorités de Company Flow. Jus joue beaucoup avec les variations de rythmiques à l'intérieur d'un même morceau, lui permettant d'adapter son flow particulier, sans jamais chercher à puncher ses phrases. Sur "I Triceratops", le dinosaure à trois cornes s'élance sur un beat divisé en trois parties et nous montre l'aspect tripartite de son art, en passant du graffiti au Mcing. Il nous offre un cour d'histoire en temps réel sur un breakbeat classique avec des transitions décalées. Bigg Jus semble se concentrer davantage sur le processus de création et la construction identitaire.




La version 2.0 de l'album présente des productions différentes et des chansons plus récentes que la version parue en 2002. On y retrouve une chanson avec Orko Elohiem avec qui il allait former Nephilim Modulation Systems, véhicule d'exploration de concepts et de sonorités un peu plus industrielles et paranoïaques, qui vont donner une autre direction au travail de Bigg Jus. Difficile de départager quelle version est la meilleure. Malgré le fait que les deux albums partagent un ratio élevé de chansons, ils demeurent très différent. Si on se contentait seulement de la version de 2004 (2.0), on aurait entre les mains un excellent album, plus concis, contenant les morceaux qui devaient absolument s'y retrouver. Cependant, la version originale est plus près de cet esprit post-Company Flow, moins accessible, plus de titres, avec des morceaux incontournables tels "Heavenly Rivers" et "It Luvs Me", absents sur la version 2,0. De plus,les versions originales de "Plantation Rhyme (runaway mix)" et "The Story Entangles" sont supérieures à leurs enveloppes plus récentes. Cependant, Bigg Jus clôt l'album 2.0 d'une façon magistrale par une superbe collaboration avec l'auteur Jerold Marcellus Bryant. "Say Goodbye" propose la fin de grands récits, soit celui de la ségrégation raciale et du discours de la religion. Ce qui nous ramène à la Postmodernité...



mercredi 8 août 2012

King Dude: "Love" (Dais Records, 2011)


Je suis en train de rattraper le temps perdu, faire l'écoute des vinyles qui s'accumulent lentement mais surement sur le côté de ma table de salon. Ce faisant, je mets dans une pile à part les disques dont je veux parler sur ce blog, mais mon rythme d'écriture ne parvient pas à rattraper celui de mes achats. Je fais présentement le tour des disques sortis en fin d'année 2011 que j'ai seulement pu me procurer au début de 2012. Mais je crois que dans le genre de musique dont je veux faire l'apologie, le facteur "fraîcheur" n'a pas vraiment d'importance. On ne risque pas de retrouver ici beaucoup de disques qui vont défrayer la manchette, mais plutôt des oeuvres qui risquent de rester dans l'ombre tout au long de leur histoire et dont il ne sera jamais trop tard pour les faire ressurgir. De plus, je me dis que que pour pouvoir parler d'un disque, il faut au minimum l'écouter 5 fois au complet et c'est bien un minimum. Idéalement on les écoute encore plus mais si on ajoute à ce critère celui du format vinyle, cela implique qu'il faut passer beaucoup de temps a la maison...

Je m'attaque donc avec enthousiasme au disque "Love" de King Dude. Je l'ai réécouté plusieurs fois au cours des dernières semaine et j'ai ressenti encore dans mes tripes à quel point il s'agit d'un excellent album. Des belles chansons, des mélodies accrocheuses et des textes noirs. En s'informant un peu sur l'artiste, on découvre que T.J. Cowgill, l'homme derrière le pseudonyme King Dude, est aussi derrière le site web Actual Pain; une compagnie de design de vêtements et de bijoux inspirés par l'occultisme et le satanisme, mais traversés d'une fine touche d'humour. De superbes designs de t-shirts et de casquettes qui donnent le goût de s'afficher, à la manière Kanye West, comme un être de souffrance, qui voit dans la douleur un réconfort et qui éprouve une forme de jouissance dans une iconographie morbide. Le désir masochiste de l'homme se retrouve emmêlé aux pouvoirs imaginaires qu'il espère obtenir de l'occultisme. Jacques Lacan disait que le pervers était l'homme désirant par excellence, qui poursuit la jouissance jusque dans ces extrêmes. Cette quête poussée à l'extrême semble aussi servir d'inspiration au label Dais, qui s'affaire à sortir des albums fascinants où on dénote une forme de "croire" au travers du produit musical. Que ce soit King Dude, Genesis P-Orridge, Psychic Tv, American Cloud Songs ou aTelecine (le projet musical de l'ex actrice porno Sasha Grey), ces projets ont ceci en commun qu'ils impliquent un questionnement sur les rapports entre la jouissance et la musique ainsi qu'une radicalité éthique et esthétique chez l'artiste. King Dude n'est peut-être pas le plus radical de la liste mais il s'y insère quand même très bien. De plus, on termine notre parcours beaucoup plus loin que ce que le nom incongru nous a induit à imaginer; un autre musicien qui tente de mélanger musique et humour.

" It's you that I crave alone, from a longing that wont ever die"




Pour revenir au disque "Love", il faut tout d'abord souligner sa superbe pochette découpée, ornée de symboles obscurs sur le devant, qui nous font hésiter à première vue à deviner quel genre de musique s'y retrouve. De plus, l'introduction de l'album fait encore plus douter et c'est seulement après deux-trois chansons qu'on réalise le caractère conventionnel des chansons et le talent incroyable de composition de Cowgill. Celui-ci est très proche du folk et du country et certains liens peuvent être faits avec la musique et le personnage de Johnny Cash; artiste ténébreux, tout de noir vêtu, qui chante l'amour et la déception et qui traîne avec lui un répertoire de "ballades meurtrières". Mais King Dude va s'éloigner du folk traditionnel sur cet album, par une sur-utilisation d'effets sonores qui ajoute une touche définitivement enivrante et addictive à ce disque. Sans cet élément, King Dude nous offrirait tout de même un folk convenable, sombre et accrocheur, à l'image de ces premiers albums. Il adopte aussi une position un peu plus marginale que Cash (à notre époque) en épousant une esthétique particulière, inspirée du satanisme.

"Deep in the bowels of hatred and of lust lives my love"

Mais voilà que sur "Love" il a poussé plus loin l'enveloppe gothique de l'écho et de la résonance dans la voix, tel qu'exploité par des groupes comme Cold Cave et Zola Jesus, qui rejouent une scène grotesque du goth-wave des années 80. L'usage du reverb à profusion dans les chansons de Cowgill les dotent d'une aura oppressante, qui étouffe les paroles et les émotions. Ces dernières sont cependant gardées vivantes grâce aux mélodies de chant et de guitare. Il gagne en gardant une ligne musicale folk/country, ce qui l'évite de sombrer dans le pastiche ennuyant. Le thème principal du disque, tel qu'annoncé par le titre, porte sur l'amour, mais un amour aliénant, noir, qui pousse à la folie et au suicide lorsque consommé à trop forte dose. Ce type d'amour se confond facilement avec la mort et, par son caractère aliénant, s'approprie les critères du mal, de l'interdit. Les textes sont une illustration de cette sensibilité presque morbide, que certains traînent dans leurs relations amoureuses, qui les fait passer pour des dépendants affectifs mais qui, en fait, sont des gens qui ont beaucoup trop d'imagination et qui ne peuvent se lasser de vivre dans le fantasme de l'autre. Ce faisant, on retrouve inévitablement une opposition des thèmes religieux, du Christ et de Satan, symbole historique de la rectitude et de la tentation. Par contre, Cowgill ne semble pas mener une lutte, où il les opposent, les thèmes religieux ont plus une fonction esthétique. Il n'écrit pas sur la lutte, sur l'opposition à la pulsion et sur des tentatives de combattre ses démons,son choix semble déjà arrêté. Les résultats de toute cette tourmente sont des chansons prenantes, soutenues par la voix caverneuse de Cowgill et un disque varié, tant au niveau des tempos que des ambiances, tout en conservant une direction artistique claire. Ma chanson préférée du disque est sans contredit la magistrale "Lucifer's the light of the world", qui sera probablement une de mes chansons de l'année. De plus, comment ne pas aimer un artiste qui se définit sur sa page Bandcamp comme un "American folk singer that's way more popular in Europe right now."



Mentionnons que King Dude vient de faire paraître un 7" annonçant la sortie d'un nouvel album prochainement, toujours sur le label Dais Records. Par contre, je crois qu'il sera difficile d'élever le niveau imposé avec l'album "Love". À suivre.


dimanche 29 juillet 2012

Daniel Higgs: "Beyond and Between" (La Castanya, 2011)


Certains artistes me permettent de réfléchir sur la musique, d'entretenir un dialogue avec eux, même s'ils ne répondent pas directement à mes questions. L'avantage d'être une personnalité publique, est qu'on peut (on doit?) en répondre à tout moment; on échappe aux limites de l'inter-subjectivité, on se positionne publiquement, on accorde des entrevues, on crée et tous peuvent alors projeter dans l'autre leurs fantasmes. Dans cette relation imaginaire, on a parfois l'impression de mieux connaître la personne qu'un autre, sorte de délire érotomane à petite échelle. Je ne prétends pas connaître Daniel Higgs mieux qu'un autre, mais j'ai cette vive impression de pouvoir entretenir un dialogue avec sa musique. Higgs est un nom que j'ai mentionné à plusieurs reprises sur ce blog, sans toutefois l'approfondir. J'ai fait des parallèles avec d'autres artistes, tracés des diagonales entre lui et les membres de son groupe Lungfish, mais je n'ai jamais présenté l'artiste ou un de ses albums. J'ai toutefois écrit une critique du disque "Say God" paru en 2010 sur Thrill Jockey, qu'on peut retrouver ici. Je l'ai aussi fait venir pour deux spectacles à Montréal. Je suis un fan; c'est un artiste que j'aime et que j'estime énormément. Alors, quand l'homme sort un nouveau disque, je ne peux réfréner mon envie de tuer; d'acheter le disque et faire taire mon désir.




Au fil de ses nombreux albums, Daniel Higgs nous a habitué à l'écouter en solo. Ses disques nous ont introduit à un art pratiqué comme seul lui peut le faire. Que ce soit par des disques instrumentaux de banjos passés à la distorsion (Atomic Yggdrasil Tarot, Hymnprovisations For Banjo, Plays The Mirror Of The Apocalypse And Other Songs) ou de guimbarde (Magic Alphabet), d'autres faisant une plus grande place à sa voix et sa récitation (Say God) ou tout simplement son chant et un amalgame de tout le reste (Ancestral Songs, Metempsychotic Melodies, Ultraterrestrial Harvest Hymns,Devotional Songs Of Daniel Higgs...). De plus, il a développé en parallèle un monde visuel qui lui est propre, se retrouvant sous formes de livres, de pochettes de disques et de tatouages. Daniel Higgs est un artiste à part, un épiphénomène étrange de la culture underground occidentale.



Suite aux années Lungfish (1987-2005), il a travaillé seul de son côté, s'entourant d'une bien mince liste de collaborateurs. Quelques projets ont retenu notre attention, dont le duo Pupils avec l'ex-Lungfish Asa Osborne, sa collaboration avec le groupe rock expérimental Skull Defekts et surtout le projet Clairaudience Fellowship avec l'énigmatique musicien noise Twig Harper de Nautical Almanac. Ce dernier projet est à mon avis le plus réussi, mais il occulte l'instrument de prédilection de Higgs, soit le long neck banjo inventé par Pete Seeger, pour donner raison à l'hégémonie de l'électronique,



Car c'est probablement au banjo que la musique de Higgs prend tout son sens. Son jeu est libre mais surtout fortement influencé par la musique orientale. D'ailleurs, il s'accompagne souvent à l'harmonium et au sruti box et cette influence se déploie dans toute sa richesse à l'intérieur son jeu de banjo et ses inflexions de voix. Non seulement la musique Indienne influence-t-elle son esthétique musicale, mais sa philosophie est aussi marquée par l'hindouisme. En fait, Higgs procède à un syncrétisme religieux propre à notre époque. Il parvient à intégrer au sein d'un même discours des éléments empruntés au soufisme, au christianisme, à l'hindouisme et à la kabbale judaïque. Ce syncrétisme est le propre de l'ère post-moderne ; s'approprier des éléments épars et les réunir à l'intérieur d'un même système permettant le développement individuel de l'homme.

Une recherche de ce type, rassemble des éléments différents autour d'un centre magnétique et c'est ce centre qui nous intéresse. Car derrière tous ces emprunts, il reste habituellement quelque chose d'incorruptible, propre à la personne; le noyau de ce qui constitue le Sujet. J'ai déjà avancé que Daniel Higgs est un des derniers véritable mystique moderne car il intègre un aspect concret à sa démarche et à son contact on est rapidement déstabilisé par son attitude. Un mystique certes, mais tout de même très près de son narcissisme. Car lorsqu'on tranche à travers le superflu, l'homme qui reste est bien ordinaire et nous apparaît comme habité d'une profonde tristesse et solitude. En d'autres termes, l'homme est continuellement habité par la perte et le manque et ses poèmes ne sont que des tentatives de se réapproprier l'angoisse. On pourra toujours parer ces deux attribut de leurs plus beaux atours, et essayer de les faire taire, ils resteront toujours au coeur de la pensée et de l'être de l'homme.

"There's a bridal chamber in your heart/A sacrificial altar in your mind"

De plus, Higgs a choisit de se départir de ses biens, de vivre sur la route avec ses poèmes, son banjo et son talent artistique. Il a choisit de prendre le chemin romantique du hobo de la grande dépression, du nomadisme, en se promenant de villes en villes, dormant sur les lits de fortune qu'on veut bien lui offrir avec son instrument à l'épaule. Ses pérégrinations l'entraînent un peu partout, en Amérique du nord mais aussi en Europe, dans des endroits où on lui offre le gîte et la possibilité d'enregistrer. La dernière fois que Higgs est venu à Montréal, il a passé deux jours à l'Hotel2Tango à enregistrer des chansons, ne s'arrêtant que par manque de ruban.



Pour revenir à ce plus récent disque vinyle de Daniel Higgs, l'album "Beyond and Between" est passé inaperçu car il est sorti sur le label espagnol La Castanya et n'a été que très brièvment disponible en Amérique du nord via Thrill Jockey et Dischord (il semble leur rester des copies). Les pièces composant l'oeuvre ont été aussi enregistré en Espagne, durant un blitz de trois jours. On est surpris de la durée de ce plus récent lp, surtout composé de courtes pièces mais segmentées par un monolithe de 15 minutes. Il s'agit d'un disque acoustique laissant l'espace libre au chant et au banjo mais qui surprend par ses accompagnements. Ce qui rend cet album si singulier est qu' Higgs est accompagné par le percussionniste espagnol Marc Clos. Diplomé du conservatoire du Liceu de Barcelone, celui-ci s'entoure d'une variété d'instruments tels, le tamborello, le tar, le bendir, le vibraphone, le marimba et le timpani. Cette richesse percussive soutient parfaitement le banjo, qui se permet d'être un peu plus minimal par moment, pour ne suivre qu'une rythmique simple reprise par les tambours.

En utilisant des instruments aux sonorités arabo-andalouse, Clos ajoute définitivement quelque chose à la musique de Higgs, un en plus, qui génère un retour à une tradition dont il est facile pour le principal intéressé de s'en éloigner. On a parfois l'impression d'entendre un groupe d'inspiration médiévale, reprenant des airs byzantins. Cependant, Marc Clos se montre parfois hésitant, toujours discret, les quelques moments plus engageants sont de très courtes interludes où on peut imaginer une réelle cohésion entre les deux musiciens. C'est parfois une tâche ingrate d'accompagner un musicien, on se retient, on hésite on ne veut pas faire de l'ombre... C'est l'impression qui nous reste à l'écoute de "Beyond and Between". Mais en même temps, on se dit qu'on est heureux de toute cette place laissé au barde et à sa voix. Au niveau des paroles, Higgs reste dans ses thèmes de prédilections, des trois pièces vocales, deux portent sur le retour et l'autre sur la bible. En fait, la pièce sur la bible transforme le livre en un lieu et nous invite à un voyage vers l'intérieur de la reliure, d'entrer dans la bible comme dans une forêt sauvage. On voit donc une trame narrative cohérente qui se dégage des chansons; Higgs chante la gloire du retour, retour vers une maison perdue, intérieure, occultée par des pensées et des distractions futiles. Le chemin du retour demande une marche affirmée et joyeuse. Ce faisant, Daniel Higgs ajoute un autre album fascinant à sa discographie.


mercredi 25 juillet 2012

Steven R. Smith :"Old Skete" (Worstward Recordings, 2011)

Quand j'ai découvert le Jewelled Antler Collective dans les pages du magazine Wire, le nom de Steven R. Smith est vite devenu un incontournable. Que ce soit au sein du groupe drone-folk Thuja, aux odeurs de sphaigne, d'aiguilles de pin et de lichen, à la barre de son projet folk Hala Strana, puisant son inspiration dans des musiques traditionnelles de l'Europe de l'est ou du Caucase, dans ses projets un peu plus lourds que sont Ulaan Kohl et Ulaan Markhor, ce musicien a su développer son talent et donner du poids à sa créativité. Cependant, c'est en solo et sous son vrai nom que j'ai trouvé qu'il se démarquait le plus, les projets qui m'ont le plus intéressés sont ceux qu'il a exécuté sans masques ni pseudonymes. De plus, je ne peux passé sous silence le duo que forme Smith avec le clarinettiste Gareth Davis. Ceux-ci ont produit deux excellents albums; soit "The Line Across" en 2010 sur le label alt.vinyl et "Westering" paru sur Important en 2009. Ce dernier est d'ailleurs un de mes disques préférés. Même s'il se définit comme multi-instrumentiste, c'est à la guitare que Smith préfère se faire valoir. Il a fait paraître plusieurs disques de guitare solo, mais deux que j'ai particulièrement adoré sont "Owl",sur Digitalis, un disque plus près du folk americain où Smith se permet de chanter tout en retenue. C'est surtout l'excellent "The Anchorite" paru sous Root Strata qui m'a laissé une profonde impression. Un peu plus expérimental dans l'exécution, cet album entre de plein pied dans le psychédélisme en mariant bourdons sonores et mélodies à perfection. Le titre mérite cependant une explication. Un anachorète est un mystique, un pénitent, qui se retirait dans le désert pour pratiquer la prière. L'anachorète adopte évidemment un mode de vie ascétique. Ce fil conducteur nous emmène au plus récent disque de Steven R. Smith intitulé "Old Skete", ou vieil ascète pour un traduction approximative en français. Le terme "Skete" fait référence plus particulièrement à la tradition ascétique copte orthodoxe. Un des hauts lieu de cette tradition est la région de Wadi Natrun située en Égypte, un endroit qui vaut vraiment la peine d'être visité. Parmi ces monastères, il y a celui de la Vierge Marie (ou le monastère Syrien). Je me souviens que lorsque j'y suis allé, un moine nous faisait faire la visite et nous nous sommes arrêtés devant une superbe porte de bois sculpté, dans la chapelle. Cette porte daterait du 9e siècle après Jésus Christ et six croix différentes y étaient sculptées. Son explication était intéressante jusqu'à ce qu'il s'arrête sur ce qui, de toute évidence, représentait une swatiska, symbole religieux hindou remontant à près de 5000 ans. Le bon moine s'est alors mis en tête de nous expliquer la signification de cette croix, sans jamais faire référence à l'hindouisme, en disant qu'il s'agissait d'une croix aux branches cassées qui représentait la perte de la Foi, et c'est cette croix qui aurait inspiré Hitler... Décidément, être un moine comporte des risques, surtout lorsqu'on entreprend une réinterprétation de l'histoire selon une théologie christocentrique. Ce faisant on exclus les autres traditions et ont se retrouve à faire l'étalage de l'ignorance plutôt que de la vérité. Sur "Old Skete", Steven R. Smith agit à l'opposé; il ne tente pas de réinterpréter ou de d'inventer une mythologie. Il construit plutôt des fragments de vérité basés sur contenu simple et vérifiable, affirmant une certaine humilité face à l'immensité de la création musicale. Les morceaux composant l'album n'ont pas de titres, seulement numérotés de 1 à 11 et apparaissent comme des esquisses, des bribes de luminosités se faufilant à travers les fissures de la caverne de Saint Bishoy. Les mélodies sont simples, vaguement familières et dénuées d'effets sonores. Une guitare, une pédale d'overdrive et un ampli avec du reverb, c'est tout. Aucune parole, aucune trame narrative; dans le désert de la solitude peu d'interlocuteurs, seulement des fragments de musiques qui nous hantent et qui demandent à être joués. De plus, cet album est un exemple parfait que l'appréciation de la musique ne réside pas toujours dans la complexité. "Old Skete" reste calqué au rythme de vie monastique de ces moines coptes, qui vont avec lenteur, sans empressement, se permettant de goûter chaque instant dans sa totalité.

jeudi 12 juillet 2012

Gultskra Artikler: "Abtu/Anet" (Miasmah, 2012)

Je ne sais plus ce qui me passionne, j'achète tellement de disques que je ne sais plus quoi en faire sauf les accumuler. J'accumule des petits trous et attend le bon moment pour en jouir. Cette surconsommation a cependant modifiée ma façon d'acheter et a orienté mes recherches différemment. Plus que jamais, je me suis orienté vers l'étrange, le particulier, l'énigmatique et ce filtre est bien imprévisible. Je redécouvre des groupes abandonnés et craint le familier, comme si ce dernier serait une dépense injustifiée. Investir dans le familier serait synonyme d'échec, de paresse. Mais pourtant, je suis tenté d'y retourner constamment. Depuis quelques mois, je me dis que je vais écrire sur des disques limités, difficile à trouver, qui ne bénéficient pas d'une grande distribution et qui, c'est le principal critère, me laisse une vive impression. Ça fait déjà un bout de temps que je souhaite écrire sur le dernier album du russe Alexei Devyanin, qui produit sous le nom de Gulstkra Artikler, mais je ne savais pas par où commencer, ni comment l'aborder. J'ai découvert cet artiste sur un autre blog, un split très intéressant avec le groupe Lanterns. C'est cependant les pièces du premier qui m'ont le plus intéressé. Ce fut donc une agréable surprise de voir un disque de ce groupe paraître sur le label norvégien Miasmah. Ce label fait partie des rares qui poursuivent une vision en lien avec une esthétique particulière, qui privilégient l'obscurité et l'angoisse qui est souvent associée à la noirceure. Ils mélangent le folk, l'électronique et un peu de jazz (à défaut de meilleur terme) pour offrir un catalogue orageux et difficile d'accès. Deux des figures de proue de ce label sont les électroniciens Kreng et Svarte Greiner, le projet musical de Erik Skodvin, le patron du label. La musique de Gultskra Artikler est cependant moins oppressante (par moment)que celle de ses collègues et prend beaucoup plus de risques. Ce faisant, elle est aussi beaucoup plus inclassable. Difficile de discerner adéquatement ce que fait Devyanin; on reconnaît qu'il travaille avec des échantillons mais on ignore s'il joue ou non des instruments et s'il utilise sa voix. Le résultat est un collage surréaliste de discours, de sons et d'instruments, le tout déformé jusqu'à la limite du reconnaissable pour esquisser quelque chose qui s'apparente à un mélange de folk, de musique concrète et d'expérimentation brute. La présence de guitare acoustique sur plusieurs morceaux ainsi que le "chant", sont des éléments qui s'avèrent tout a fait saisissants dans leur contexte d'écoute. La chanson "Intensivnost Otrajenia" reflète parfaitement cette étrangeté et crée un des plus beaux moments du disque. Soulignons aussi la pièce complètement étrange qu'est "Glaznoe Dno Morskogo Chudisha" avec son raagini déformé, une ligne mélodique de "trompette" (fait avec la bouche?) juxtaposée, des cordes arrachées et un piano incohérent. Il faut préciser que "Abtu/Anet" consiste en deux disques différents, "Abtu" ayant paru sous forme de cd-r en 2007. On peut difficilement voir une progression dans la musique de Devyanin, les deux moitiés se recoupant dans cet espace vide habité par l'artiste. La seule chose qui m'est paru significative, est que la deuxième moitié (Anet) semble plus influencée par le travail des électroniciens nommés précédemment (Kreng, Svarte Greiner) et semble mettre de l'avant les plages électroniques plus ambiantes et sombres. Cependant, l'avantage de Gultskar Artikler réside dans le fait que les pièces sont relativement courtes et s'étirent rarement jusqu'à quatre minutes. Dans cet espace, il parvient à condenser une multitude d'idées et les projeter rapidement vers un ailleurs cohérent que lui seul connaît. Un disque étrange, très réussi.

lundi 4 juin 2012

American Cloud Songs : "Aum" (Dais Records, 2012)

Il existe un monde foisonnant d'idées, de créations diverses, de rencontres. Plusieurs portes y donnent accès mais la musique s'est avérée celle qui , pour moi, m'a permis d'explorer aussi la philosophie et les autres formes d'arts. Lorsqu'on ouvre cette porte et qu'on se lance dans l'inconnu, en suivant la pulsion de l'action libre, on y plonge sans savoir ce qui pourra remonter à la surface avec nous. Ces derniers mois, je me suis retrouvé à écumer les blogs musicaux, découvrir d'obscurs labels européens et dépenser une quantité incroyable d'argent pour acheter des vinyles. Je ne sais jamais si je dois céder à la culpabilité ou tout simplement vivre l'extase du moment, de la découverte. J'imagine que ce blog me permet de liquider l'angoisse et de donner une fonction à l'excès. American Cloud Songs est le projet de Robert Ryan, un musicien dont je n'avais jamais entendu parler. C'est grâce aux invités sur son disque que mon attention a été interpellée. J'ai remarqué en premier lieu le nom du saxophoniste Daniel Carter. J'ai fait la connaissance de ce musicien en tant que membre du groupe free-jazz Test et les autres disques de jazz auxquels il a participé ont souvent retenu mon attention, en particulier à cause des riches lignes mélodiques qu'il parvient à suivre tout en se faufilant dans l'abstraction. Mon disque préféré demeure "Luminescence", un duo avec le contrebassiste Reuben Radding paru en 2002. Depuis, son nom est ressorti dans différents contextes musicaux et ma surprise fût de le retrouver sur un disque de Wooden Wand & The Vanishing Voice " Gypsy Freedom", en 2006. Sur cet album Daniel Carter se joint à un groupe freak-folk et laisse courir libre son saxophone sur plusieurs pièces, nous offrant ainsi un superbe mélange de folk et de free-jazz. En suivant cette association d'idées, la surprise était de moindre importance quand j'ai vu le nom de Nathan Bell en tant que collaborateur à American Cloud Songs. Ce dernier s'est fait connaître comme membre du groupe Lungfish durant une courte période de leur existence. Depuis quelques années, il a sorti des disques solo au banjo, en duo au sein de Human Bell et l'excellent vinyle "Colors" sur le label anglais Lancashire & Somerset. On le retrouve ici au banjo, au dulcimer et à la trompette. Ces deux noms se sont avérés suffisants pour me faire plonger tête baissée dans ce disque remarquable. Plusieurs autres musiciens sont présents aux côtés de Robert Ryan, ce qui nous invite à penser American Cloud Songs en tant que groupe plutôt qu'un projet solo, même si les compositions sont crédités à Ryan. Musicalement, ce disque se hausse d'emblée dans mes découvertes de l'année. On retrouve une base de folk élevée au niveau d'un ensemble de musique de chambre, avec des relents de jazz et de minimalisme classique, surtout à cause de la présence de piano, du violoncelle de Meaghan Peters et de la viole de Jon Francis. Une structure à la guitare ou au banjo, enrichie d'arrangements de cordes teintés de néo-classicisme, accompagnés bien souvent de saxophone, flûte ou trompette free.Certaines pièces ne seraient pas déplacées sur un disque de folk-jazz d'ECM. Par moments la musique ressemble à certaines compositions de James Blackshaw lorsqu'il joue avec d'autres musiciens. Sauf qu'American Cloud Songs va un peu plus loin et se permet de puiser son inspiration dans la musique indienne, comme sur "Gayatri Mantra", qui rappelle Master Musicians of Bukkake, tout en étant plus posé et moins frénétique que ces derniers. On sent une certaine retenue sur la plupart des pièces, avec des montées de tension travaillées qui donnent un ton légèrement post-rock à la Godspeed You Black Emperor. Mais pour échapper aux comparaisons, il faut se laisser surprendre par l'ouverture de l'album; "Light On the Path", un espèce de morceau dub avec une ligne de basse bien grasse. Enfin, lorsque Ryan chante sur la pièce finale "Obeisance to The Great God", on a l'impression d'entendre Daniel Higgs et on est vite ramené à une comparaison facile. En faisant quelques recherches, je me suis aperçu que Robert Ryan a déjà joué avec Daniel Higgs et que les deux partagent la même passion pour le tatouage et l'inspiration mystique. Même qu'en matière de tatouages, il a arrive parfois que les deux soient mentionnés dans la même phrase. Après avoir admiré les oeuvres de Ryan, on ne s'étonne plus qu'il ait voulu prioriser la ligne mélodique dans sa musique, suivant ainsi une ligne parallèle à son art visuel. Celui-ci s'inscrit dans l'école américaine traditionnelle dite de Sailor Jerry (mentor de Ed Hardy...), intégrant des éléments issus de la métaphysique, du psychédélisme, de l'occultisme et de l'hindouisme. On est rapidement attiré par ses couleurs étincelantes et des formes parfaitement découpées, qui contribuent à maintenir une fluidité harmonique propre aux dessins de cartoons. La pochette du disque est aussi magnifique, soulignons-le. J'ai découvert par la suite que Robert Ryan a fondé le collectif Harmonize Most High avec Daniel Carter; un collectif de musiciens cherchant flouer la frontière entre les deux aspects de la divinité, en passant du transcendant à l'immanent et vice-versa. Cependant, il apparaît comme clair que ce mouvement de l'extérieur vers l'intérieur, suivi d'un retour vers l'extérieur à travers l'action, produit un excédent, ou un reste. La musique de Robert Ryan sert à agir cette part maudite qui a besoin d'être rejetée à l'extérieur, offerte en sacrifice aux dieux qui président aux destinées humaines. Excellent disque. En passant, Harmonize Most High ont deux albums à leur actif et je viens de commander leur plus récent vinyle. Il m'est donc impossible de commenter Portefolio en ligne de Robert Ryan

mercredi 9 mai 2012

André Vida: "BRUD Vol I-III" (Pan Records, 2011)

Il y a d'abord cette sublime pochette; magnifiques images de costumes traditionnels obscurs, insérée dans une enveloppe en pvc sérigraphiée. Sobre, intrigante. S'agit-il plus de masques ou de costumes? Toujours est-il que l'esthétique invite à inférer qu'André Vida cherche à se dissimuler. Mais le costume diffère du simple masque, il est plus flamboyant et démontre un souci d'identification complète à l'être qu'on souhaite incarner. Qu'importe le cérémonial que Vida traduit sur cette scène, il ne se laissera pas saisir.
André Vida est un saxophoniste méconnu que le remarquable label PAN nous fait découvrir au travers d'un mélange de compositions étalées entre 1995 et 2011 et réparties sur trois disques. Trois disques inégaux entre eux mais qui servent d'introduction à l'oeuvre d'un des musiciens les plus intéressant de sa génération. Celui-ci s'est fait connaître par ses collaborations au groupe Tower Recordings au début des années 2000, genre de super groupe de la scène underground new-yorkaise, précurseur du genre freak-folk. Ce groupe regroupait entre autres Matt Valentine, Samara Lubelski, P.G. Six, Tim Barnes et d'autres... Mais c'est probablement grâce à son association avec le légendaire saxophoniste Anthony Braxton que Vida a pu se tailler une place de choix dans le monde du jazz expérimental, membre régulier de son Ghost Trance Ensemble. De Braxton, Vida partage un goût des lignes mélodiques claires et des compositions "intellectuelles", difficiles, demandant une certaine réflexion de la part du musicien. Depuis, il s'affirme de plus en plus en tant que compositeur et trempe allègrement dans la performance à la John Cage, semblant se nourrir des restes chaud du Fluxus. Un artiste majeur donc, qui tardait à faire paraître un album de ses compositions. La dernière fois où j'ai été frappé par la singularité de la "voix" d'un musicien, fut en écoutant le disque "Mes Soldats Stupides 96-04" de C. Spencer Yeh, alias Burning Star Core. J'ai parfois l'impression que ma recherche musicale n'a pour but que cette découverte; me sentir interpellé par quelque chose de nouveau, de singulier, une voix qui raconte une histoire différente, qui crée. Manquer de mots pour analyser et qualifier sur le champ l'écoute, nécessiter un après-coup. Entre l'étrange, le familier et le ridicule. Où André Vida et C. Spencer Yeh se rejoignent dans leurs parcours, est dans cet embranchement du dépassement des limites de l'instrument, cet endroit où on commence à sortir des sentiers battus pour tailler sa propre route. Lourd mandat donc pour André Vida et un album plus concis aurait été encore plus frappant. Car au fil des trois disques, le jugement de préférence devient inévitable. Pour ma part, PAN auraient pu s'en tenir au premier disque et ils auraient réussi leur pari. Celui-ci est un amalgame de courtes pièces enregistrées ça et là entre 2002 et 2011. Sur ces dix-huit titres, Vida s'époumone, chante, marque des scansions dans sa lignes mélodiques pour laisser une place à des mots et fait vibrer son hanche en un grondement désharmonisé. S'il n'exploite pas la respiration circulaire comme l'a fait Colin Stetson, on retrouve quand même une similarité dans le désir de dépasser les simples limites d'un saxophone. Mais Vida est beaucoup plus cru, "raw". On retrouve donc Vida en solo, en duo avec Anthony Braxton, dans des petits ensemble, il disparaît même derrière son oeuvre lors de la pièce "Tie Me Up" pour un ensemble de cordes. On le retrouve également derrière un synthétiseur modulaire SERGE, pour quelques morceaux qui sont tout aussi curieux. Mais je tiens à souligner le magnifique duo avec Rashad Becker, qui joue du "feedback cabinet". "BRUD Volume II" est aussi une collection de pièces recoupant probablement l'ensemble de la carrière de Vida soir de 1995 à 2011, à l'exception près qu'il s'agit de pièces jouées en groupe dans des contextes et ensembles très différents. On retrouve d'ailleurs Matt Valentine et Tim Barnes sur "Broken Tape" (1999), le morceau qui ouvre le disque. Le "Volume III" est celui que j'ai trouvé le moins intéressant; il s'agit d'une suite composée pour un quatuor jazz. La facture et l'idiome sont très reconnaissables mais ne se distinguent pas particulièrement d'autres oeuvres, du moins pas de manière frappante. On retrouve un espèce de jazz de chambre bien réussi, pas désagréable mais manquant un peu d'aspérités . La présence de l'accordéon est toutefois intéressante. C'est donc dans un cadre plus intime que Vida impressionne et en suivant cette logique, les morceaux solos sont les plus percutants.

dimanche 22 avril 2012

John Zorn: "Mount Analogue" (Tzadik, 2012)



Pendant de nombreuses années, j'ai cherché des signes. Dans la littérature mais surtout dans la musique. Tout était un prétexte à déchiffrer, regarder au-delà des apparences, repérer les indices. Ma fascination pour l'enseignement de G.I. Gurdjieff devait mener à chercher ses ramifications à même mes autres champs d'intérêts. La liste de musiciens/artistes s'étant inspirés des enseignements de Gurdjieff est longue, surprenante et contribue à remettre à jour cette fascination. Certains s'affichent plus ouvertement, d'autres le font discrètement. D'ailleurs, un des précepte du "Travail" de Gurdjieff est de ne pas en parler. Mais cette poussée qui demande à s'afficher nous trahit bien souvent; un mot, un logo discret, une idée élaborée en entrevue... Ainsi se crée l'espoir d'une communauté, de gens partageant le mêmes idéaux et intérêts, se regroupant pour transmettre la connaissance et favoriser la travail sur soi. Dommage que je n'y crois plus vraiment...



Pour ceux qui l'ignorent, G.I Gurdjieff est un "mystique" du début du 20e siècle. Contemporains des idées qui circulaient dans les cercles fermés de toute l'Europe, ses idées sont empreintes de toute les mouvances et dénotent un souci d'emmener l'homme à travailler sur lui-même afin de développer son plein potentiel.Plusieurs livres sont disponibles à ce sujet. Musicalement, la question est moins bien documentée. Mon souci actuellement est de procéder à cette documentation mais il s'agit d'un travail d'une vie... De son vivant, G.I. Gurdjieff a travaillé en étroite collaboration avec son disciple Thomas De Hartmann pour annoter des partitions au piano; Gurdjieff disait que c'était des fragments de ses souvenirs d'enfance, des chants grecs, géorgiens, perses, arméniens, des mélodies sacrées entendues dans les ordres religieux secrets qu'il a visité. Comme dans la majeure partie de son enseignement, il est difficile de discerner le "folklore" de la vérité. Gurdjieff désignait son enseignement en trois parties d'importance égales que les disciples actuels ont tendance à oublier: la musique, les danses et la théorie et il se faisait insistant en disant qu'il ne fallait pas les séparer. De nombreux albums ont été publiés avec les années, les compositions Gurdjieff/De Hartmann jouées par le pianiste Alain Kremski sont surement les plus connues. Ces compositions peuvent être qualifiées d'exotériques, faisant partie d'un cercle extérieur, donc plus accessible. Les compositions ésotériques sont celles qui ont servi aux danses sacrées chorégraphiées par Gurdjieff et sont depuis peu accessible à tous (et encore... certaines danses ne circulent que dans les groupes encore actifs). L'interprétation qui a le plus contribué à faire connaître cette musique est sans contredit celle du pianiste Keith Jarrett, parue sur le label ECM. D'ailleurs ECM est le seul label reconnu qui continue encore de sortir la musique de Gurdjieff avec la parution l'année dernière du Gurdjieff Folk Instruments Ensemble, probablement un des meilleurs disques du lot.



Gurdjieff a été, par ailleurs, un grand théoricien de la musique. Quelqu'un qui reprend ses idées à son compte ne doit pas oublier qu'il s'inscrit dans une tradition et une optique très particulière de la musique. Dans le livre "Récits de Belzébuth à son petit-fils", Gurdjieff élabore cette théorie sous des couches d'allusions. On retiendra principalement que pour ce penseur, la musique (et l'art en général) se devait d'être objective. Par "art objectif", Gurdjieff entend qu'il doit s'agir d'un langage. L'art doit communiquer un message objectif à la personne qui le reçoit, il s'agirait donc d'un ensemble de signifiés et de signifiants qui seraient partagés par tous les humains étant capable de parler cette langue. La musique comme langage est un concept débattu en linguistique et en sémiotique. Par ailleurs, Gurdjieff s'appuie sur une théorie des vibrations complexe afin d'approfondir son propos.





Donc à part jouer les compositions de Gurdjieff, comment un musicien contemporain peut-il poursuivre une recherche musicale en ce sens? Les options semblent limitées. Tout d'abord il va sans dire qu'une certaine légitimité s'impose, qu'un travail préalable dans une école dite de la "quatrième voie" est nécessaire. Le guitariste Robert Fripp (oui, oui de King Crimson), a étudié avec J.G. Bennett (élève direct de Gurdjieff) dans les années 70 et a mis sur pied le Guitar Craft; une école de guitare qui prône le travail sur soi par des pratiques de méditations assises et une technique d'accordage particulière ,le New Standard Tuning. Le chanteur David Hykes, étudiant de Lord Pentland avec la fondation Gurdjieff de New-York, a développé une technique de chant nommée "Harmonic Chant", inspirée des chants de gorges traditionnels du Tibet et de la Mongolie (entres autres...). On retrouve aussi le compositeur Pierre Schaeffer (étudiant direct de Gurdjieff), qui a construit sa théorie des objets sonores sur les principes de musique objective de Gurdjieff. De mon côté, j'ai trouvé que les musiciens utilisant la technique du "Just Intonation" poursuivent la réflexion mais en se concentrant uniquement sur la musique et ne s'enfargent pas dans l'aspect "technique méditative" et travail sur soi.







Mais voilà qu'arrive John Zorn. C'est bien connu, Zorn est un artiste qui s'intéresse à l'occultisme et au "Magick" depuis de nombreuses années. Qu'il ait été exposé aux idées de Gurdjieff à un moment de sa vie ne faisait presque aucun doute. Seulement, il n'en parlait pas ouvertement. Jusqu'à ce qu'il sorte le disque "In Search of The Miraculous" (titre d'un ouvrage de P.D. Ouspensky ,"Fragments d'un enseignement inconnu" en français, qui a servi à plusieurs comme introduction aux idées de Gurdjieff)en 2010. D'ailleurs, les titres des pièces sur cet album font directement référence à la musique de Gurdjieff avec par exemple "Prelude: From a Great Temple", "Sacred Dance (Invocation)".... Ce fut pour moi une confirmation de son intérêt dans les idées de Gurdjieff. Mais le disque est abominable...Un jazz mièvre, sans conviction, qui ne semble pas préoccupé par la théorie qui devrait se trouver derrière de tels titre.



J'ai eu peur que c'est ce qui nous attendait avec la sortie de "Mount Analogue". "Le mont Analogue" est le titre d'un livre inachevé du poète français René Daumal, qui a étudié avec Gurdjieff durant la deuxième guerre mondiale. Il s'agirait d'un récit initiatique d'inspiration surréaliste mais pour quiconque connaît l'enseignement de Gurdjieff et l'histoire personnelle de Daumal, le surréalisme est ici plus allégorique. Daumal utilise sa passion de l'alpinisme pour aborder les idées de Gurdjieff et, ce faisant, se sert du mythe quasi universel de la montagne sacrée. Daumal a été par ailleurs un grand commentateur de la musique et du théâtre indien et a traduit plusieurs oeuvres du sanskrit au français.

Pour ce disque, Zorn prends soin de mettre en contexte et de préciser dans le livret qu'il n'a jamais fait parti d'un groupe Gurdjieff et n'a jamais pratiqué les exercices transmis dans ces groupes. De plus, il précise qu'il a composé la totalité du disque en écoutant le film "Meetings With Remarkable Men" de Peter Brook. C'est cette influence qui est plus présente dans la musique et en cherchant à fusionner les deux oeuvres, Zorn s'égare et trempe parfois dans les eaux du "Holy Mountain" de Jodorowsky, surtout dans les moments les plus ritualisant d'abstractions sonores. S'il avait voulu s'inspirer d'une oeuvre plus marquante de Daumal et éviter de tomber dans ce type de comparaison, Zorn aurait pu se servir du livre "La grande beuverie", relatant avec force le cheminement de l'auteur dans l'enseignement de Gurdjieff.

À l'écoute du disque, on discerne un sentiment de quête, qui pourrait aussi s'inscrire dans sa série de compositions "Filmworks", la musique est narrative et suggère une mise en action. Une quête mais aussi un rituel et on peut imaginer quelles sont les scènes du film qui ont laissé une impression chez Zorn, celles qui ont permis aux hydrogènes de s'affiner. Comme plusieurs, il a été impressionné par les danses sacrées présentées la fin du film, c'est cette image qui persiste à la moitié de l'écoute. Si l'effort est louable, Zorn a passé à côté de l'essentiel de la musique de Gurdjieff. Il a occulté le caractère sacré de cette musique et s'éloigne de l'idée de musique objective en l'imprégnant de ses propres semences. Soulignons que le piano était considéré par Gurdjieff comme l'instrument le mieux adapté pour transmettre le caractère particulier de sa musique; une musique dénuée de sexualité, où la libido se trouve attachée à des contextes précis, observable dans les thèmes distincts des danses pour hommes uniquement et pour femmes uniquement. Le sexuel dans la musique de Zorn est libre et sauvage, il cherche à se lier/délier aux autres et ne favorise pas un retour à soi, nécessaire à la fraternité exposée par Gurdjieff. Car en écoutant "intentivement" (c'est moi qui invente: écouter avec intention) la musique de Gurdjieff, on éprouve ce retour à soi mais aussi un retour a une figure paternelle, représentante d'un idéal d'ordre et de Loi, incarné par le Logos. Et on rejoint ici Daumal avec son personnage de Pierre Sogol, le guide de l'expédition sur le Mont Analogue.

En choisissant de faire une unique pièce, Zorn semble avoir voulu privilégier les "chocs", des changements brusques d'ambiances,qui peuvent servir à l'auditeur de rappel de soi, un moment pour sortir de la séduction sexuelle et se rappeler qu'il existe comme Sujet. Dans le livret, Zorn explique aussi la manière dont se sont déroulées le sessions d'enregistrements et souligne le concept de "sur-effort" tel qu'abondamment exposé dans le livre de Ouspensky "In Search Of The Miraculous". C'est peut-être ici que le lien avec une forme de pratique méditative peut se faire. La musique est cependant très inspirée et inspirante, un des grands disques de John Zorn. J'avais aussi apprécié le disque "Interzone" paru en 2010 et je trouve que les deux se situent dans la même lignée. Référence/hommage à un auteur particulier mais où Interzone était beaucoup plus "rock" et abrasif, "Mount Analogue" se veut feutré et doux, restes laissés par l'enseignement de Lanza Del Vasto sur la personnalité de Daumal. Mention spéciale à l'excellent Shanir Ezra Blumenkranz au oud et la basse et au toujours inspiré Cyro Baptista


mardi 17 avril 2012

Cursillistas: "Observe Ember Weeks" (L'Animaux Tryst Field Recordings, 2012)


Une des découvertes musicales qui m'a le plus marquée, est sans contredit l'oeuvre de Matt Valentine et d'Erika Elder. Lorsque j'ai eu vent de leur musique, c'était sous le nom de MV & EE Medecine Show. À ce moment, j'ai été exposé à un folk parfois improvisé souvent suintant d'effets, et me permettant de découvrir de nombreux artistes associés à leurs parutions. Faire l'énumération des disque qui m'ont marqué serait fastidieux car ceux-ci ont fait paraître sur leur propre étiquette une multitude de cd-r dont la plupart sont dignes d'intérêts. au départ, ils utilisaient comme marque de commerce "Heroine Celestial Agriculture " sur leur label Child Of Microtones et cette appellation m'est restée, surtout car elle me semblait convenir parfaitement à la musique que je découvrais à chaque nouvelle sorties. Alors que le Hip-Hop nous servait une musique Chopped & Screwed bourrée au sirop, le folk vivait sa propre intoxication aux opiacés avec MV & EE. Mais le délire était somme toute différent; pas vraiment de ralentissement, ni de réarrangements mais plutôt un enregistrement lo-fi, des pédales d'écho, de reverb et de delay montées au maximum, rappelant avec nostalgie une époque pas si lointaine.



Il n'est pas surprenant donc de retrouver Matt Lajoie (l'homme derrière Cursillistas)comme collaborateur régulier de Valentine avec le groupe Bummer Road et plus récemment Herbcraft. Les deux partagent une esthétique et une sensibilité similaire, combinée avec un goût pour l'expérimentation. C'est sur le label Digitalis, que j'ai eu connaissance pour la première fois de Cursillistas, ayant fait paraître l'excellent disque "Wasp Stings The Last Bitter Flavor" en 2008. Il nous présentait sur ce disque un folk sombre, bourdonnant de basses fréquences. Depuis, quelques parutions obscures et inaccessibles, épuisées trop rapidement.



Sur "Observe Ember Weeks", Lajoie conserve la même recette et mélange le Dilaudid à sa mixture de racines pour créer cet effet hypnotique et catatonique particulier à cette mouvance de folk psychédélique. Les morceaux se déploient lentement, une note à la fois, superposant les nappes sonores sur un 4 tracks parfois saturé. La voix et les instruments sont liquéfiés par les effets à différents degrés et les mots sont souvent inaudibles.Le chant fantomatique de Lajoie invite l'auditeur à un degré d'attention différent, reconnaissant la langue et certains mots mais incapable d'en faire du sens. Du moins, le sens n'est pas donné au regard; il mérite réflexion, réécoute et une attention orientée sur la phonétique des mots. Les pièces les plus réussies sont celles présentant un côté rythmique et une structure plus apparente, ajoutant une touche rétro (i.e. la tambourine) qui contextualise l'ensemble. Superbe vinyle sorti sur le propre label de Lajoie avec une pochette sérigraphiée, 225 copies seulement. L'Animaux Tryst Field Recordings



dimanche 8 avril 2012

Matthew De Gennaro: "Adversaria" (TU-134, 2011)


Je commence à être nostalgique du folk expérimental. Je ne peux réprimer un mouvement de dédain face aux tangentes traversant de part en part la musique expérimentale contemporaine. On dirait que beaucoup de musiciens expérimentaux se tournent vers les synthétiseurs analogues et se contentent de longues nappes sonores planantes à la Klaus Schulze et, sous le couvert du psychédélisme, contribuent à maintenir le dormeur dans un état comateux, à l'image de ce malaise social qu'est l'indifférence généralisée. Le dormeur doit continuer à rêver, et il construit des dispositifs qui préviennent les stimulis externes de le réveiller. J'imagine que c'est ce qui motive mon retour à la musique folk, celle qui demande à l'homme de se détacher de la machine et d'empoigner un instrument vibrant.

En 2005, le label Last Visible Dog (LVD), avait fait paraître la gargantuesque compilation "Invisible Pyramid elegy box set", un boîtier de six cd's regroupant la crème de cette nouvelle scène de musique expérimentale qui étaient en train de bouillonner en parallèle avec la nouvelle culture des cd-r. Les gens de LVD ont ratissé large et ont su regrouper sur cette compilation des noms qui tardaient à se faire connaître, à être nommés. Depuis, le label a fait paraître de nombreux albums de ces artistes et bien d'autres. Cependant, avec le déclin de la vente des cd's leurs activités ont grandement diminuées. Leur catalogue entier est en vente au coût de 80$ et on peut acheter sur leur site les cd's individuels à 5$ chacun (avis aux amateurs). Cette longue introduction sert en mettre en scène la découverte que j'ai fait sur cette compilation du guitariste Matthew De Gennaro, qui a aussi fait paraître l'album solo "Humbled Down" sur ce même label. De Gennaro a aussi collaboré avec Alastair Galbraith sur le remarquable disque "Long Wires in Dark Museums vol.1", une collection de drones acoustiques et musicaux.





"Adversaria" est le plus récent disque de De Gennaro et parvient à faire vibrer mon âme. La dernière fois que j'ai éprouvé un tel sentiment, c'était avec le disque de Richard Skelton, dont j'ai parlé dans ce blog. Un superbe album qui est parvenu à s'imposer comme la trame sonore de mes journées. "Adversaria" possède aussi cette qualité cinématographique mais frôlant de plus près l'idiome folk. Il émane de cette musique des images de plaines et de désert, de forêts désolées, invitant l'auditeur à se matérialiser dans un genre de western méditatif, dans la même lignée que les films (et leurs trames sonores) "The Hired Hand" et "The Proposition". On y ressent une émotion à fleur de peau, aiguisée par les guitares acoustiques, le banjo, la viole de gambe (ou violon?), quelques effets électroniques et un harmonium essoufflé. On est facilement invité à rêver, à se perdre devant l'immensité d'un paysage désert. Une trame sonore qui permet de nous éloigner de la ville, de retrouver le calme et renouer avec la contemplation, trop souvent absente de nos vies. Contempler n'est pas dormir et encore moins rêver. Ce ne sont pas les mêmes mécanismes qui sont à l'oeuvre. Cette action nécessite un degré de conscience différent, un état d'éveil qui ne nous confronte pas à un paysage synthétique, mais permet de nous en retirer en tant que Sujet. Une musique qui évoque plutôt des scènes qui rendent compte de l'absence et du silence technologique de l'homme; sa propre absence et son aphasie.



On peut télécharger des disques précédents de De Gennaro ici. et en écouter .

jeudi 5 avril 2012

Imbogodom : "And They Turned Not When They Went" (Thrill Jockey, 2012)


Il y a de ces artistes qu'on découvre en début de carrière; qu'on suit pendant un bout de temps et qui finissent par nous lasser... On se tourne alors vers autre chose. En fait, rares sont ceux qui parviennent à capter notre intérêt et à se renouveler de disques en disques. Cette réussite est le lot d'une minorité. J'ai découvert Alexander Tucker avec son premier disque paru sur le label ATP: "Old Fog", paru en 2006. Ce n'est pas un album qui m'a jeté par terre, simplement intrigué. Un curieux mélange de folk, de renouveau médiéval et de grosses distorsions. Un mélange qui s'est affiné avec les années et les parutions. Son plus récent album solo, "Dorwytch" paru sur Thrill Jockey l'année dernière a confirmé pour plusieurs observateurs de la scène expérimentale, le statut et le talent particulier d'auteur/compositeur de Tucker, en exploitant ses tendances progressives médiévales à travers ses constructions musicales.



À cet effet, je regrette de ne pas avoir lu le livre "Electric Eden" du journaliste musical Rob Young. Dans ce livre, l'auteur resitue une résurgence des chants païens et médiévaux aux travers de la musique folk britannique. Une espèce de retour du refoulé, éteint par la religion catholique protestante pendant des siècles. Ce qui nous entraîne dans ce plus récent disque d'Alexander Tucker.



Imbogodom est un duo de Tucker avec le néo-zélandais Daniel Beban. Les deux se sont rejoints sur un premier effort paru en 2010, encore sur Thrill Jockey. "The Metallic Year" ne m'avait pas vraiment interpellé à sa sortie mais je risque de retourner m'y perdre prochainement. Sur le nouvel album, le duo semble explorer les mêmes pistes défrichées auparavant. Les deux m'apparaissent comme des explorateurs, voyageurs d'un monde onirique, où à la manière de psychanalystes, ils réinterprètent les contenus inconscients et les démons infantiles en fonction de leurs compromis fantasmatiques.Le statut onirique de cet album est probablement son aspect le plus intéressant. En tant qu'entrepreneurs du rêve, Beban et Tucker puisent leurs matériaux à différentes sources et procèdent à un tissage vaguement narratif avec une part d'incohérence. Les résidus diurnes sont incorporés à des souvenirs anciens qui tentent tant bien que mal de dissimuler des fantasmes phylogénétiques.Ceux-ci sont révélés par l'iconographie du disque; le serpent lové sur lui-même, un repli sur soi, permettant de se retrouver seul au centre de l'univers, pour pouvoir laisser libre cours à la jouissance déliée. Un étrange disque folk, expérimental, qui s'impose comme une mise en scène singulière de la pulsion de mort. Un de mes disques favoris sorti cette année.

mercredi 28 mars 2012

Ed Yazijian: "Gansrud" (HP Cycle, 2011)


Ed Yazijian est un drôle de personnage. Professeur d'université, il vit dans l'ombre de l'underground musical, nourrissant par à-coups le courant de freak-folk qui a fait surface il y a 6-7 ans. À l'inverse de certains de ses contemporain, il n'a pas su profiter de la vague, ou n'a pas voulu en profiter. Certains artistes préfèrent les recoins sombres, loin de la scène du théâtre de l'Éros, celle qui nous pousse à faire des liens avec les autres. Ils préfèrent être seuls et se réfugier dans des mythes et des fantasmes de fuite dans une ethnicité romanesque. D'ailleurs, sur le site ratemyprofessors, on peut lire que Yazijian est désorganisé, ne respecte pas vraiment de plans de cours mais que son cours sur le Ramayana, un des texte fondateur de l'hindouisme, est très intéressant.

J'avais été bien impressionnée par son album "Six Ways to Avoid the Evil Eye", paru en 2006 que je m'étais procuré en cd-r via le label Feed & Seed records.Cet album a été réédité en vinyle par la suite et semble être toujours disponible. Sur ce disque, Yazijian délimitait son territoire; l'orient incarné dans un folk ethnique, apparemment improvisé, dans l'esprit des deux premiers Carnaval Folklore Resurrection des Sun City Girls ("Cameo Demons and their Manifestations" et "Dreamy Draw"). En 2009. il a ressurgit pour une apparition avec Dredd Foole, comparse de longue date, avec qui il a enregistré l'album "That Lonesome Road Between Hurt And Soul" sur Bo Weavil Recordings. Disque tout aussi intéressant dans la même veine mais qui m'a un peu moins convaincu , compte tenu des attentes élevées que j'entretenais vis-à-vis cette collaboration.

Pour "Gansrud", sorti sur le label canadien HP Cycle, les enregistrements se sont étalés sur plusieurs années,soit de 1996 à 2009. La guitare apparaît comme prédominante sur l'album, compte tenu de sa dimension mélodique. Mais le violon est tout aussi présent, sauf qu'il passe presque inaperçu- ou plutôt, on s'en rappelle moins (magnifique "Piece for four violins"). Il crée une césure dans l'écoute et vient marquer un arrêt temporel, sur mode tonal. Un jeu de violon qui n'est pas sans rappeler le minimalisme de Tony Conrad ou d'Henry Flynt. "Gansrud" nous emmène aussi plus loin, comme sur cette longue pièce d'explorations vocales et de "signal radio" (i.e. bruits vaguement électroniques indéterminés) qu'est l'incroyable "Salt Curse of the Onangada". On retrouve aussi des tablas et d'autres percussions sur certaines pièces, ainsi qu'un mélange d'instruments ethniques (ektara,sarinda), qui viennent enrichir le tout. Le paysage de ce village global est aride et de l'écoute on en retire un vague sentiment de solitude, de retrait social. Yazijian donne l'impression d'être bien seul dans son village, pleurant la disparition de ses amis sur deux titres ("For H. McK" et "For Borghild"). Son village n'est pas le plus invitant; une première écoute nous fait sentir comme un intrus que les démons ancestraux veulent chasser. Mais si on y entre avec révérence, en leur rendant hommage, ceux-ci finissent par nous accepter et nous guident dans les méandres de la transcendance onirique.

Disponible en vinyle seulement: mimaroglu

lundi 26 mars 2012

Orfanado: "Iter" (Holidays records, 2011)


Parce qu'il y a des disques qu'il ne faut passer sous silence. Des disques qui nous poussent à sortir de notre torpeur et qui viennent nous chercher aux tripes à chaque écoute. Depuis un bon moment déjà je contemple sa pochette et me répète que je dois absolument en parler pour partager mon engouement.

Orfanado est un duo italien composé d'Alessandro De Zan et Riccardo Mazza. Comme convenu dans le créneau de la musique expérimentale, ceux-ci ont très peu fait parler d'eux préalablement à la sortie de leur premier long-jeu. Et pour cause, il y a peu de chances qu'ils traversent de côté de l'atlantique, se confinant à sortir des disques en version limitées sur d'obscurs labels européens. D'ailleurs, "Iter" est sorti en cd sur Sounds of Cobra et en lp sur Holidays Records. Il va sans dire que je privilégie le dernier.

On les a comparé aux Sun City Girls et à Six Organs of Admittance mais la comparaison demeure grossière et approximative. J'ai plus l'impression qu'ils se rapprochent en esprit de la musique de Lula Côrtes et Zé Ramalho, en particulier sur l'excellent "Paebiru". "Paebiru" se voulait un disque concept explorant le mysticisme des lieux sacrés et des éléments mais "Iter" n'a pas cette prétention. Pourtant, on ne peut réprimer ce sentiment, tel que décrit par Freud qu'est cette inquiétante étrangeté (Unheimlich). Un sentiment qui se veut désacralisant, qui nous rend étranger à nous-mêmes. Quand on se plonge dans ce disque on y retrouve effectivement cette fascinante mixture de guitares acoustiques aux teintes orientales , de percussions effrénées, de flûtes et de synthétiseurs. Mais le tout a un goût hautement tropical, nous rappelant les denses forêts amazoniennes, où l'humidité est représentée par les multiples pédales d'effets qui étouffent parfois les instruments. Un peu comme ces journées d'été où un orage éclate alors que le soleil est à son zénith.



Orfanado poussent aussi la facture expérimentale un peu plus loin avec de magnifiques pièces abstraites de guimbarde et guitares acoustiques, des sitars soutenues par des percussions lourdes de sens, des mélodies entraînantes et des chants pentecôtistes. On retiendra également que ce sont d'excellents guitaristes. Un disque magique, époustouflant, lumineux et oppressant tout à la fois.



Téléchargez leur e.p. "Sete", sorti en 2009, gratuitement sur Bandcamp.

http://orfanado.bandcamp.com/album/sete

mardi 3 janvier 2012

TOP 2011

Voici le top 20 du Khyroscope pour l'année 2011. On dirait que cette année les choix sont plus difficiles, trop de disques intéressants qui sont sortis cette année et que je n'ai pas écouté... Mais tout de même, de nombreux albums se sont rendus à mes oreilles faisant de 2011 une année assez faste merci. À vous de juger.


1-

Colin Stetson: "New History Warfare vol.2: Judges" (Constellation)

New History Warfare Vol. 2: Judges - COLIN STETSON by Constellation Records


Si le disque de Colin Stetson se mérite la première place en 2011, c'est purement pour des considérations personnelles. On peut l'encenser au niveau technique, dire qu'il a redonné les lettres de noblesse au saxophone, etc... Avec raison, il a fait tout cela. Cependant, de mon côté, c'est le disque qui m'a donné le plus envie d'écrire. Et pour ça, merci Mr. Stetson.





2- Case Studies: "The World Is Just A Shape To Fill The Night" (Sacred Bones)

Case Studies - The Eagle, or the Serpent

Superbe album de folk réalisé par Greg Ashley du goupe Gris Gris. Sa marque s'entend et c'est une des choses qui m'a frappé à l'écoute de ce disque. Ça et la plume profonde de Jesse Lortz, me faisant penser par moments à Leonard Cohen. Les thématiques de transformation, de lutte entre le bien et le mal sont traitées de façon magistrale. En plus, on retrouve sur ce disque ma chanson préférée de 2011 (voir plus-haut).


3- Michael Chapman: "The Resurrection And Revenge Of The Clayton Peacock" (Ecstatic Peace)

Disque que j'ai ardemment cherché après avoir lu une critique élogieuse. La chasse a porté fruit et m'a redonné le goût de magasiner au Cheap Thrills, moi qui pensait ne plus pouvoir y faire de découvertes. Michael Chapman c'est ce guitariste britannique de 70 ans, qu'on a ressucité dans les dernières années et qui s'est mis au courant des nouveaux genres de musique. Plus connu pour son jeu de folk teinté de jazz, il offre ici un album de guitare expérimental tirant sur le noise. Riche et frais, le vieil homme peut encore surprendre.



4-

Matana Roberts : "Coin Coin Chapter 1: Gens de Couleurs Libres" (Constellation)

Coin Coin Chapter One: Gens de Couleur Libres - MATANA ROBERTS by Constellation Records

Un grand disque de free-jazz de 2011, malheureusement absent des listes plus éminentes que la mienne... Comme mentionné dans ma série sur le rap et free-jazz, Matana Roberts a réussi ou plusieurs ont échoué: combiner le free-jazz avec le spoken word et l'expression vocale tout en maintenant une trame narrative cohérente.


5-
Shabazz Palaces : "Black Up" (Sub Pop)

Shabazz Palaces - Swerve...

Le disque de Hip-hop le plus intéressant à être sorti cette année. Juste dose d'expérimentation et de boom-bap, ils ont gardé intacte la nature du Hip-Hop tout en l'orientant vers le futur. Peut peuvent prétendre à une telle réussite.

6-
Sean McCann: "Open Resolve" (Orange Milk)

Sean McCann - Open Resolve - Broken Replicator

Sean McCann est un artiste particulier. Il multiplie les albums en passant d'un style à un autre, joue de la guitare folk, enregistre des drones de violons, fait du noise... Sur "Open Resolve" il a fait un des albums les plus intéressants que j'ai entendu depuis longtemps. Pas de guitare ici (ou sinon dénaturée) mais des synthétiseurs et des drums arrythmique. Un des plus beau artwork de 2011 aussi.


7- Bruce Lamont : "Feral Songs For The Epic Decline" (At A Loss)

Bruce Lamont "Feral Songs For The Epic Decline" by At A Loss Recordings

Découvert sur autre blog, ce disque est complètement passé inapperçu. Avec raison surement car Bruce Lamont vient de la scène métal (avec entres autres Locrian) et a décidé de faire un disque solo lui permettant d'explorer un univers particulier. Un mélange de Doom-folk, de noise et de saxophone totalement captivant avec une voix rappelant un peu celle du chanteur de Pearl Jam...



8- Nils Rostad : "Ujamt" (Tallerk Platter)

HVOR SOM HELST

Petit disque scandinave au tirage très limité. Composé de courtes pièces, frôlant les deux minutes, le seul reproche qu'on peut adresser à cet album est qu'on aurait aimé plus de longueur et de déploiement, pour ajouter une profondeur un peu manquante. Mais quand même, le résultat est intrigant et de toute beauté.

9- Village Of Spaces : "Alchemy and Trust" (Corleone/Turned Word)

Ovum's influence

Autre réussite folk. Beau, simple, circulaire.

10- Smegma & Jozef Van Wissem : "Suite The Hen's Theeth" (Incunabulum)

J'ai parlé abondamment de ce disque sur ce blog. Superbe collaboration entre Van Wissem et Ju Suk Reet Meate. Une rencontre improbable qui a donné un disque envers lequel je n'avais aucune attentes. La surprise était de taille.


11-
Odezenne: "O.V.N.I." (Universeul)

Saxophone _ orchestre virtuose national incompétent _ OVNI

Je me répète. Ce disque est excellent et le plus récent clip du groupe Odezenne donne vraiment le goût de connaître la suite.

12- Part Wild Horse Mane On Both Sides : "Poisson" (Mie)

Part Wild Horses Mane On Both Sides - Poisson LP

Je ne sais pas si la version originale de cet album est sorti cette année ou avant. Toujours est-il que la version vinyle proposée par le label Mie est admirable. Duo flûte et percussion, on pourrait s'attendre à quelque chose d'inintéressant et de néo-hippie mais ce n'est pas le cas. La flûte et les percussions sont complètement distorsionnées , à la limite du reconnaissable. On dirait un espèce de collage électro-acoustique qui oscille entre noise et musique ethnique.

13- D. Charles Speer : "Arghiledes" (Thrill Jockey)

d. charles speer - arghildes (album preview)

Un disque qui regroupe tous les ingrédients que j'aime. Folk ethnique psychédélique dans la lignée des Sun City Girls.

14-

Nathan Bell : "Colors" (Lancashire & Somerset)

Membre du groupe Lungfish avec Daniel Higgs, Nathan Bell s'est aussi aventuré dans le banjo et la guitare acoustique. Il a crée un disque folk instrumental, avec des arrangements travaillés (avec Paul Oldham, le frère de l'autre) et des mélodies qui transpirent la désir de solitude et de transcendance.
15- Josh T. Pearson: "Last Of The Country Gentlemen" (Mute)

Josh T. Pearson - Woman, When I've Raised Hell (Alternative Version) by Mute UK

Un disque qui n'a pas fait l'unanimité et s'est vu descendre par de nombreux critiques. Pourtant, moi j'ai aimé ça. Avec une voix rappelant celle de Nick Cave, Josh Pearson parvient à canaliser les démons qui le hantent. Un jeu de guitare minimaliste, des chansons de 7 minutes, le violon de Warren Ellis sur quelques morceaux... Beau, onirique et déprimant.


16- Stare Case: "Lose Today" (De Stijl)

Stare Case : Days like Faces by destijlrecs

Quand deux membres du groupe noise Wolf Eyes décident de faire un projet plus accessible, ont peut douter du résultat. Pas ici, c'est effectivement plus accessible mais quand même fidèle à l'esthétique du groupe. Très beau disque où au travers de la chanson se rencontrent les influences des multiples projets auxquels les protagonistes ont pris part.


17-
Berrocal/Fenech/Tazartes : "Superdisque" (Sub Rosa)

jac berrocal, david fenech & ghedalia tazartes - superdisque (album preview) by experimedia

Trois géant de la scène expérimentale française se réunissent pour faire un "superdisque". Rien de moins.

18- Hubble : "Hubble Drums" (Northern Spy

"Nude Ghost" by Hubble from the album Hubble Drums by Northern Spy Records

Projet solo du guitariste d'un de mes groupes préférés, Zs. Minimal, arrogant dans sa forme et dans son jeu, on se perd facilement dans la fluidité de ses notes répétitives.

19- Artur Zmijewski : "Singing Lesson" (Tochnit Aleph)

Probablement le disque le plus étrange que j'ai écouté cette année. Une chorale d'enfants sourd accompagnée à l'orgue chante des hymnes liturgiques.

20- The Alps : "Easy Action" (Mexican Summer)

The Alps est un groupe que j'aime beaucoup, chaque album est intéressant et j'apprécie particulièrement leur mélange de folk et de kosmiche musik très référentiel. Sur ce dernier album, le côté référentiel et folk semble être mis à l'arrière-plan, avec comme résultat un disque plus abrasif et expérimental mais aussi plus personnel. La pochette du lp est aussi superbe.