samedi 27 février 2010

Jason Urick: «Husbands» (Thrill Jockey, 2010)


Qu'est-ce qui se passe avec Thrill Jockey? Depuis quelques temps, on assiste à un changement de garde et de direction artistique sur ce label qui commence à être vraiment intéressant. Ils prennent des risques et des bons. Thrill Jockey, au même titre que Drag City, est en train de récupérer l'underground expériemental pour lui faire bénéficier d'une meilleur visibilité. Que ce soit en signant des artistes (Jack Rose, Daniel Higgs...), en rééditant des albums en vinyle seulement, en rachetant le catalogue de Three Lobed Records pour le distribuer, en sortant des cd en édition limitée dans des formats surdimensionnés... Bref, il y a des gens qui se soucient de l'avenir et cet avenir n'est pas seulement générateur de profit.

Une de leur plus récentes sorties, est le disque de Jason Urick «Husbands». Urick a sorti deux ep's sur le label montréalais No Type il y a quelques années, et sa discographie se limite à ça. Il bénéficie donc de l'appui de Thrill Jockey pour sortir son premier album complet. Le titre est une référence assumée au film Husbands de John Cassavates et a servi un peu d'inspiration à la musique. La pochette du cd (en affiche surdimensionnée) est une reprise de la pochette d'album de John Lennon et Yoko Ono «Two Virgins» mais en un peu plus tordue, avec la photo de Urick remplaçant les visages de John et Yoko. Le barbu Yoko est particulièrement rigolo (est-ce aussi Jason Urick?).

Husbands est un disque électronique, qui s'inscrit dans cette nouvelle mouvance de l'électro qui tangue lascivement avec le noise. Suffisamment expérimental pour plaire aux consommateurs avertis, certaines pièces sont une juxtaposition de drones, de sons transformés et de mélodies un peu plus «pop» (notez les guillemets). Ce qui permet une écoute agréable mais aussi excitante. Ce n'est pas un disque soporifique (ce qui n'est pas mauvais en soi); les pièces son variées et changeantes, parfois même abrasives (superbe «Eternal Return») mais tout en conservant un certain côté mélodique. Excellent disque qui risque de passer inaperçu... Merci donc à Thrill Jockey d'oser l'underground et de sortir des sentiers battus.

The Eternal Return by Jason Urick from jason john würm on Vimeo.

vendredi 19 février 2010

David Daniells & Douglas Mccombs: «Sycamore» (Thrill Jockey 2009)


Je n'ai jamais été un grand fan de Tortoise. Pourtant j'ai essayé. J'ai acheté quelques-uns de leurs premiers disques (que j'ai fini par revendre), porté une oreille attentitve à leur collaboration avec Bonnie Prince Billy, Je me suis enthousiasmé pour les projets jazz, pour l'intérêt de certains membres pour le hip-hop. D'ailleurs , je crois que c'est un des groupes le plus marquants des 20 dernières années.

Ce qui fait que quand j'ai écouté le disque de Daniell et McCombs, je n'ai pas porté beaucoup d'intérêt au fait que c'était des gens de Tortoise. J'ai trouvé le disque intéressant et surprenamment expérimental. C'est Douglas McCombs qui joue dans Tortoise, c'est aussi lui qui est derrière le projet Brokeback (remarquez que suite à la sortie du film Brokebak Mountain, je ne suis pas certain que le nom ou le projet soit encore d'actualité...). Lui et Daniell se sont rencontrés en jouant dans un groupe de six guitaristes pour un projet de Rhys Chatham. Ils ont ensuite eu l'idée de collaborer ensemble et le résultat est de plus en plus convaincant après plusieurs écoutes. Il faut dire qu'ils ont enregistré plusieurs heures de matériel qui ont été ensuite réassemblées et mixées. Un peu à la façon Miles Davis période Bitches Brew. Ils ont également bénéficié de l'aide de d'autres musiciens (dont John Herndon aux drums et électroniques) pour créer quelquechose de vraiment original. Il ne s'agit pas juste d'un disque de guitare, on a affaire à un truc beaucoup plus expérimental que ce dont on est habitué par ces musiciens. Mélodique, ambiant, free...tout ça à la fois. Des longues pièces où effectivement les guitares s'entrecroisent dans des moments plus épurés, côtoyant d'autres moments beaucoup plus lourd, voir claustrophobique. Les moments marqués d'un jeu de drum free sont tout simplement sublime.

Le problème avec ce genre de projet studio, c'est que ça devient difficile à le reproduire live. Mais ça ne m'empêchera pas d'aller voir le show qu'ils font pour le Under The Snow (encore!) le vendredi 12 mars à la Casa del Popolo.

mercredi 17 février 2010

Besombes-Rizet «Pôle vol.2» (1975, réédition mio records 2004)



L'histoire derrière cet enregistrement est assez complexe. On ne sait pas trop si Pôle c'est un label, un nom de groupe ou un nom de disques. Il en ressort que Pôle est avant tout un label, fondé par Paul Putti, Evelyne Henri et Jean-Louis Rizet en 1975. La confusion que représente l'entité Pôle est voulue et entretenue tout au long de leur trop brève histoire, qui prendra fin en 1977. Rizet enregistre donc cet album double avec Philippe Besombes, qu'ils nommeront Pôle vol.2 et ce sera l'unique collaboration entre ces deux musiciens, mais aussi chercheurs.

Besombes et Rizet sont des scientifiques, des chercheurs de sons et de matière, qui ont bénéficié de l'agitation des années 70 pour se lancer dans une aventure musicale incroyable. Les deux ont aussi été des collaborateurs de Luc Ferrari. Voilà une autre démarche qui m'inspire; des gens qui ne se limitent pas qu'à la musique. Celle-ci devient un autre volet de leur parcours et s'inscrit en toute cohérence au sein même leur vie. Qu'une étape de plus dans la quête perpétuelle de savoir et de vérité.

Toujours est-il qu'ils ont crée un disque tout simplement fantastique. Parfois on est ramené à Vangelis, style «Chariots of Fire», pour les montées épiques de synthétiseurs, ou à d'autres trames sonores de film de science-fiction complètement obscurs. Les ambiances sont prenantes, le son bien travaillé. On a droit a une esthétique résolument «prog» quand les drum embarque, surtout sur la première et dernière pièce. Mais on a aussi en prime des flûtes traitées, du saxophone, du jeu de clavier «rileyesque», plein de sons électroniques incongrus, de la trompette amplifiée rappelant Nils Peter Molvaer. Et j'ai été particulièrement surpris par des rythmiques synthétiques, se voulant une sorte d'archétype du techno vers la fin de la pièce «Armature Double».

On aurait pu se passer de la pièce humoristique «Rock à Montauban», qui est une pastiche d'une chanson rock de trois minutes, sur comment être une vedette rock. Mais dans l'optique de ce que j'ai déjà écrit sur l'avant-garde musicale française et l'humour, on est pas vraiment surpris. Les dialogues entre les deux musiciens sont somme toute rigolo, et parviennent à nous arracher un sourire. C'est le caractère intrusif de la pièce parmis l'ensemble qui apparaît de trop. Seulement, en y réfléchissant, sur vinyle elle doit terminer la face A du deuxième disque. Ce qui correspond à une certaine logique, propice à clôturer une oeuvre très cérébrale. La pièce qui va suivre, «Synthi soit-il», est monstrueuse. Il s'agit de 21:54 minutes de paysages sonores synthétiques, d'abstractions et d'expérimentations subjugantes qui vaut à elle seule toute une face de vinyle.

Au risque de me répéter, ce disque est lui-même monstrueux (dans le bon sens du terme)et vaut vraiment la peine d'être découvert. Surtout à notre époque, où il acquiert une pertinence indéniable, à la lumière des nouvelles musiques dont Besombes et Rizet ont été des pionniers.

Petit vidéo fait avec une pièce d'un disque de Philippe Besombes solo.

dimanche 14 février 2010

Bird Show Band (Amish, 2010)



Ben Vida est membre du groupe Town & Country, un groupe que j'aime beaucoup, où se mêle folk, musique classique contemporain, minimalisme, improvisation et musique orientale (sur «Up above»). Bref un beau mélange hypnotisant. Par la suite, Vida a tenu un projet solo du nom Bird Show. Trois albums plus tard, tous très intéressant, sa plus récente sortie est sous le nom Bird Show Band, suite logique de ce qu'il avait commencé sur le dernier disque où Vida avait collaboré entre autres avec le percussioniste free-jazz Michael Zerang (de la scène de Chicago). Pour le Bird Show Band, il est allé chercher l'aide de d'autres musiciens issus cette même scène free-jazz/post-rock de Chicago soit son collègue de T. & C. Josh Abrams à la basse (contrebasse?), John Herndon de Tortoise aux drums et Jim Baker claviériste dans le Vandermark 5.


Sur ce disque, Ben Vida joue du synthétiseur, un Moog Voyager plus précisément et Jim Baker un Arp 2600. Ce qui vient donner une teinte analogique rétro à l'ensemble. On a donc droit à un disque où se côtoient free-jazz et post-rock, un peu comme le Chicago Underground Duo (ou trio) ou même Isotope 217. Les pièces varient entre des quatuor, des quintets et des pièces solo Vida, plus planantes que les autres. C'est un disque très intéressant où cependant, l'esthétique jazz domine un peu trop.

Je me suis souvent plaint du manque d'utilisation de synthés analogiques dans le free-jazz. Outre Sun Ra, très peu s'y sont aventurés. Certains disques de collaboration entre des musiciens jazz et des claviéristes électroniques ont vu le jour dans les années soixante-dix, produisant une musique inspirée, différente mais pas tellement concluante. On retiendra le disque de Joe McPhee et John Snyder «Pieces of Light», ainsi que celui de Don Cherry avec John Appleton «Human Music». Une écoute que j'ai cependant trouvée très inspirante est le jeu de Keith Jarrett sur les Cellar Door Sessions de Miles Davis, qui est tout simplement époustoufflant au Rhodes.

On a donc ici une réponse à ce qui me manquait. Mais c'était avant que je découvre la Kosmische Musik allemande et la vague underground française. Je m'explique, ce que j'ai rouvé excitant chez plusieurs de ces groupes, français en particulier, c'est qu'après des longs passages planants, plus ou moins free, surgit souvent un break rythmé avec des passages de synthés plus mélodiques/rythmiques qui viennent surprendre l'auditeur et lui permettent de passer un bref moment en terrain connnu. Ce moment à quelquechose de particulier. Lorsqu'on écoute un disque dans sa totalité (ce qu'on devrait TOUJOURS faire), la magie et la chimie du mix de l'album, de l'ordre des pièces s'opère réellement, si ceux qui l'ont fait avaient ce souci en tête. Ce ne sont pas que des morceaux raboutés les uns à la suite des autres, il y a un ordre, une logique, un mouvement. L'auditeur qui se laisse prendre, peut profiter pleinement de la force d'un enregistrement et c'est ce que je remarque de très bien réussi (et planifié) dans cette musique des années 70.

Dans ce contexte donc, naît l'excitation, la suprise. J'imagine que cette excitation ressemble à celle des premier b-boys qui s'élançaient seulement sur les breaks. Mais voilà, quand un disque est constitué que de moments du genre... c'est un peu moins excitant.

Quand même, je suis un de ceux qui a très hâte de voir Bird Show en spectacle lors du festival Under the Snow, à la Casa del Popolo jeudi le 11 mars (avec Mountains)

Je suis surpris de voir ce disque sorti sur Amish plutôt que sur Kranky ou Thrill Jockey... Amish est un peu plus underground et a offert des perles de musiques avec Hall Of Fame, PG Six et Theo Angell. À découvrir par la même occasion.

lundi 8 février 2010

Burning Star Core: «Inside the Shadow» (Hospital records)



J'ai connu Burning Star Core par son disque «Mes Soldats Stupides», une espèce d'anthologie d'enregistrements datés entre 1996 et 2004. Depuis ce disque, C.Spencer Yeh a fait du chemin. Très peu connu au moment de sa sortie, il par la suite collaboré avec le saxophoniste Paul Flaherty, le drummer Chris Corsano,a sortie une pléthore d'albums, fait des shows à travers le monde et est devenu la rock star/ poster boy du noise...

Ce nouveau disque est en faut la réédition d'un cd-r paru en 2005 en édition limitée. Ça s'éloigne un peu de ce que je connaissais de Burning Star Core, soit des improvisations viscérales en contexte de free-jazz et des élucubrations gutturales. Le son du violon (celui-ci est violoniste...) est ici mis de l'avant et permet d'entrer dans un univers un peu plus accessible de Burning Star Core; soit un monde méditatif, induit par le drone et ouvert aux voyages astraux. La pochette de l'album est évocatrice à ce sujet; un serpent (cobra) émergeant de la région sexuelle d'un homme sans visage.

Référence explicite à Kundalini? Ce serpent logé dans le sacrum que certaines pratiques tantriques permettent de réveiller? On associe beaucoup le serpent Kundalini à l'énergie sexuelle, ou une forme d'énergie sexuelle. Un ami m'a déjà raconté une expérience personelle avec Kundalini lors d'un voyage en Inde. Il cherchait activement un Ashram ou un maître, lorsqu'il est tombé sur un Sadhu par pur hasard. Ce Sadhu était en fait voué à Hanuman le dieu singe. Je ne m'y connais pas suffisamment pour savoir si Hanuman est lié d'une quelconque façon avec la Kundalini. Toujours est-il que ce Sadhu est embarqué dans un taxi avec mon ami et que, dans le taxi, il s'est penché vers mon ami comme pour lui administrer une fellation. Il a repoussé ses avances, mais ceci a eu pour effet de le surprendre dans son hétérosexualité. Il m'a affirmé cependant qu'à ce moment, il a ressenti quelquechose de très intense s'élever à l'intérieur de son corps, comparable à une sensation de chaleur mais différent. Il dit qu'il n'a jamais expérimenté quelquechose de similaire. Les détracteurs pourront dire qu'il a expérimenté sa propre homosexualité...et c'est bien possible, l'histoire n'en dit pas plus.

On entre donc ici vraiment dans le trip drone psychédélique, mais avec un peu de retard lorsqu'on le découvre aujourd'hui. Cependant, en se disant que ce disque est sorti il y a cinq ans, on peut peut-être plus l'apprécier. Mais j'ai beau essayé de l'écouter dans des contextes différents, rien. Pas d'émotions particulières, pas de chaleur, pas de serpent...C'est un album court, trois pièces, trente minutes qui manque un peu de magie. Le premier morceau est un long drone mélodique au violon, accompagné de clochettes et de cliquetis métalliques, très près des premiers albums de Six Organs of Admittance. S'ensuit une autre belle pièce, dont le jeu de violon me fait penser énormément à celui de Henry Flynt sur l'acide (voir «Purified by Fire»). Finalement, une autre pièce de drones, un peu plus agressives, avec un son plus distortionné, plus près d'un truc noise lorsque écouté à haut volume.

Ce n'est pas un mauvais disque, c'est très bon même. Mais devait-on vraiement le rééditer, ou n'aurait-il pas mieux fallu le laisser tel quel; édition limitée, rare, le rendant ainsi spécial pour celui qui le possède?

mercredi 3 février 2010

Birgé/Gorgé/Shiroc : «Défense de» (réédition mio records)


Fruit des années 70, ce disque issu de l'underground français a acquis un statut mythique avec les années. Un sommet de l'étrangeté, où se déploie une musique improvisée hautement inspirée. Cette réédition est offerte avec des pièces extras (d'autres versions et inédites) et un dvd contenant un film de Jean-Jacques Birgé et de Bernard Mollerat intitulé «La nuit du phoque», réalisé dans la cadre d'un cours universitaire en 1974. Je ne me positionnerais pas sur le film, je ne suis pas un amateur de cinéma expérimental, donc je laisserais à d'autres le soin de commenter. Cependant, le dvd contient plein d'extras audios (6 heures...) très intéressants qui ne sont jamais parus auparavant. Disons que ça ajoute un plus value au dvd.

Mes pérégrinations dans la musique expérimentale française m'ont amené là où il fallait. En lisant le livre mentionné dans mon post précédent (voir juste en dessous), je me suis aperçu que la majorité des disques que je m'étais procuré étaient ceux dont je trouvais les descriptions les plus intéressantes. D'autres étaient en voie d'arriver (reçus cette semaine). Un des détours invévitable, est le disque «Défense de». Il s'agit ici d'une musique difficilement qualifiable ou même définissable. Abstractions sonores, free-jazz, free-rock, musiques électroniques improvisées...on a là un beau fourre-tout. C'est aussi le genre de musique que certaines personnes écoutent et trouvent que c'est n'importe quoi et disent la banalité suivante: «J'aurais pu faire ça moi aussi». Laissez-moi leur répondre une bonne fois pour toutes: «Oui, mais tu ne l'as pas fait et tu ne le feras jamais. Et même si tu le fesais, ça ne sonnerait pas comme ça et ce serait totalement différent. Donc fais-le et peut-être que dans quarante ans ce sera un classique...(j'en doute)». En passant, je crois qu'on entre dans une ère où les enregistrements mythiques ne seront plus possible en raison de leur disponibilité outrancière et de la multiplication des genres ainsi que de l'archivage éhonté de toutes formes de musique, mais bon, c'est surement pour le mieux...

Pour revenir au disque après cette disgression, on peut remaquer en effet que certaine pièces, en particulier «La bulle opprimante», semble être un foutoir musical où chacun fait ce qui lui plaît et qui nous rapelle les shreds qu'on peut entendre sur internet (surtout celui de Santana). C'est peut-être ça la «bulle opprimante», zone de créativité où se situe le musicien improvisateur qui, au lieu de jouer en harmonie avec les autres, cherche à les opprimer par son jeu, en défaisant ce qui est en train de se construire... Par ailleurs certains moments à l'orgue ou au piano électrique me font penser au jeu de Justin sur le cd de l'Ensemble Kesdjan, où une bribe de mélodie, quelques accords, apparaissent hors du chaos le temps d'apporter un peu de lumière. Même chose pour le drum, où parfois une rythmique semble se dessiner mais c'est pour mieux foutre le camp, laissant parfois le synthétiseur garder une pulsion vitale. La présence du saxophoniste Antoine Duvernet, amène une touche mélodique sublime dans des moments parfois confus pour l'auditeur, où les synthés et la guitare électrique mènent un jeu sauvage, libre de toutes structures. L'instrumentation sur ce disque est impressionante et est recensée pour chaque pièce dans le livret. Attention, ceci est un disque complètement MALADE... Pour les amateurs de free-jazz, de musiques expérimentales, d'étrangeté (bref, moi et quelques amis...).

c'est disponible sur le site de Jean-Jacques Birgé directement

http://www.drame.org/3GRRR/Disco.html


Dites-vous qu'à 25 euros, ça en vaut largement la peine.

Aussi, quelle ne fut pas ma surprise de recevoir avec le disque une carte postale promotionelle du projet Nabaz'Mob de Jean-Jacques Birgé et Antoine Schmitt. Surprise car c'est la même image qui est utilisée pour l'édition 2010 du Festival de Musique Actuelle de Victoriaville (FIMAV), où se produira Nabaz'Mob au mois de mai, avec son opéra pour 100 lapins communiquants. Moi qui n'avait aucune idée de ce que c'était, je crois bien que je vais aller voir ça...

lundi 1 février 2010

L'undergound...


J'ai lu récemment le livre «L'undergound musical en France» des auteurs Eric Deshayes et Dominique Grimaud. Ce livre tombait vraiment à point dans mes réflexions et mes recherches sur le sujet. Le premier chapitre nous explique comment les évènements de mai 68 sont venus façonner le paysage musical en France, en particulier dans l'underground. De plus, les auteurs utilisent une image très évocatrices en disant que l'underground a pris le maquis. Si la France s'est avérée une des perdantes de la deuxième guerre, en plus d'être collaboratrice, une fraction de ses citoyens ont empruntés le chemin de la résistance. J'imagine que la résistance en France est vue comme un acte héroïque, noble. Ainsi, ce n'est pas surprenant que cette voie, le maquis, soit envisagée par les musiciens qui souhaitent résister aux pressions des multinationales et des majors. Bref, encore du jus pour la réflexion...

Tout au long des pages de ce livre,on découvre des artistes fascinants, dont les ramifications semblent inépuisables, des musiciens s'organisant entre eux, prenant en main leur distribution, la vente de disque, les réseaux de tournées... C'est un bel exemple de mobilisation des artisans de l'underground. Exemple que devrait suivre le Québec. Cette mobilisation, cette action, permet que la scène muiscale se développe, amène un brassage d'idées, de collaborations et de développement très intéressant. Ici la scène semble un peu trop sclérosée. Les gens sont assis et attendent sagement que la subvention rentre. C'est un peu un symptôme du Québec en général, personne ne veut se mouiller, se démarquer, remettre en question certaines idéologies intouchables. Le problème est surement que l'underground n'est pas viable au Québec... En dehors de Montréal, peu d'opportunités de show ou de ventes pour des groupes expérimentaux qui oeuvrent en rupture avec la tradition. La seule façon de s'en tirer est d'être chansonnier et tourner le Québec en entier de tavernes en tavernes. C'est un peu triste. Je me répète, mais quand les québécois francophones vont finalement créer quelquechose, ce seront des immigrants de deuxième génération ou des gens multipliant les contacts avec la scène musicale anglophone...

D'autant plus qu'on est confronté à cette tendance de vouloir s'approprier absolument l'underground pour le mettre en lumière. Comme si l'underground devait être évacué du champ culturel. On ne parle plus d'underground, mais de la relève. L'underground c'est les groupes poches, qui ne ciblent pas le grand public. Cette éternelle relève est insidueuse... Michel, de l'Oblique, disait que c'était aberrant de considérer Monsieur Mono (Éric Goulet) comme un artiste de la relève , «Criss, y'étais dans Possession Simple tabarnak!». La petite controverse qui entoure les Francouvertes et Bernard Adamus, reflète ça un peu. Les Francouvertes, concours pour les artistes émergents, cherchent aussi à avoir du public, garantir des subventions et susciter des revenus. Avoir Bernard Adamus aux Francouvertes c'est bon pour la pub, ça va aussi attirer du monde.C'est embêtant aussi, s'il gagne on va crier à l'injustice et s'il ne se rend pas en finale on va questionner son art... La façon de procéder des Francouvertes semble être un peu questionnable, selon les termes, Pierre Lapointe pourrait partir un band avec Patrick Watson, Lapointe aux claviers, Watson aux drums, prendre une chanteuse inconnue, trouver un nom catchy et s'inscrire au concours comme un artiste de la relève.

Dans le milieu du rap en particulier, être underground c'est mal. Il faut absolument connaître du succès et dès qu'une initiative se fait remarquer ou attire du public, hop on la programme à un festival quelconque. C'est bien, même que l'entreprise est louable, mais les effets secondaires d'un tel procédé contribuent selon moi à clouer les artisans sur leur chaise, espèrant la reconnaissance immédiate.

Les exemples foisonnent, le slam en est un bon. Soirées qui existent depuis le milieu des années 90 dans la communauté anglophone montréalaise, il aura fallu que la France nous en propose une version musicale du slam avec Grand Corps Malade pour que les gens se réveillent et crient au génie. Depuis, les soirées abondent, programmation dans les festivals, production d'albums de divers artistes capitalisant sur le phénomène...Un autre exemple me vient des Word Up Battles. Joute de rap où deux rappeurs s'affrontent avec des textes préparés d'avance. Belle initiative, inspirée elle aussi de la scène anglophone (de Toronto cette fois-là , mais aussi des États-Unis). J'aime beaucoup écouter les capsules internets de ces rencontres où les rappeurs s'envoient allègrement chier en utilisant des insultes personnelles à l'individu, des propos sexistes, racistes, name it... Moi j'aime ça, je viens du rap, comprends les références et trouve ça drôle. Monsieur et madame tout le monde....pas sûr. C'est cool que ce soit programmé à l'Off Festival d'été de Québec...cool pour les initiateurs du projet, mais c'est quelquechose qui pourrait rester underground, qui n'a pas sa place dans un festival et qui ne s'adresse pas au grand public!

Dès qu'on parle de reconnaissance publique, on parle de nivellement vers le bas. Ce qui au départ sera un peu expérimental, se fera critiquer et les gens souhaiteront quelquechose plus à leur niveau (surtout pour les groupes d'expression francophones). La majorité des artistes embarquent dans ce mouvement sans même s'en rendre compte et édulcolorisent leur art afin de le rendre plus digestible ou mettent leurs énergies dans des projets avec lesquels ils pourront capitaliser. Et là je ne parle même pas des médias culturels... seul commentaire, je parlais récemment avec MGM (de feu Division Blindée)de son idée de créer un média culturel imprimé du type du magazine Actuel en France avec, entre autres, des entrevues de fond avec les artistes...à suivre.


Pour finir, je me permets de citer mon ami RU et sa chanson «Suck it» : «Moi je reste sous la terre, pis je me roule à terre, quand je regarde toi ce que t'as toute à faire.»