mercredi 14 juillet 2010

Sabbath Assembly: "Restored to One" (Ajna, 2010)


Quelle étrange époque que représente les années soixante dans le monde occidental. Soulevée par une génération d'après-guerre, cette période de l'humanité porte en elle les caractéristiques des périodes charnières. Ce n'est surement que dans une centaine d'années qu'on s'apercevra à quel point le monde occidental a été façonné par les réformes sociales, humaines et religieuses qui ont eut lieu à cette à ce moment-là.

Dans cette ère associée à la modernité, plusieurs prédisaient la chute de la religion et la victoire de la pensée scientifique. Comme de fait, de nombreux fidèles ont quitté les églises chrétiennes mais c'était pour mieux s'investir dans d'autres religions ou nouveaux mouvements religieux. Ce phénomène a mené plusieurs chercheurs à avancer que la modernité ne signifie pas la fin du Croire, simplement une restructuration des tenants de cette soi-disant modernité. De plus, l'utilisation d'un modèle de réduction/non-réduction ne s'applique plus si on veut se sortir de l'impasse que le Croire impose à la modernité.

Il s'en est passé des choses dans les années soixante; l'ouverture de l'occident aux philosophies orientales est venue marquer au fer rouge toute une génération de chercheurs, en quête de réponses existentielles. Les communes hippies se sont avérés des terreaux fertiles où pouvaient s'implanter des nouvelles croyances, drogues incluses ou non. Timothy Leary, Ram Dass, Chogyam Trungpa, Pandit Pran Nath, Alan Watts, Krishnamurti, Aldous Huxley, Osho Rajneesh, Yogi Bahjan, Sathya Sai Baba, Sri Aurobindo, Maharishi Mahesh Yogi... voici quelques-uns des noms les plus connus associées à cette époque et on peut surement en rajouter plein d'autres. Mais voilà des maîtres ou enseignants qui se réclamaient, ou descendaient presque tous d'une lignée ou d'une tradition spirituelle (sauf Timothy Leary). L'idée est qu'il y en a eu une multitude d'autres qui ont aussi marqué l'histoire à leur façon et certains pour des mauvaises raisons (Charles Manson, par exemple).

Les nouvelles technologies et la facilité à laquelle circule l'information ont permis la résurrection (!) de certains groupes n'ayant pas laissé de marques très profondes. Ceux qui nous intéressent ici, sont ceux qui ont explorés la spiritualité dans la musique. Un des plus connus et qui bénéficie d'une bonne campagne de revalorisation, est le groupe de Father Yod ou Yahowa, décédé en 1972, connu sous le nom de The Source Family. Disciple de Yogi Bahjan, James Baker s'est petit à petit dissocié des enseignements hindous du yoga de la Kundalini pour enseigner un genre de syncrétisme mystique, incorporant aussi bien des idées maçonniques et rosicruciennes. Le fait le plus marquant de la Source Family, est le groupe Ya Ho Wa 13, un groupe de rock psychédélique improvisé qui a enregistré de nombreux albums durant l'existence de ce groupe spirituel. Avec Father Yod à la tête du groupe, celui-ci disait "channeler" l'inspiration du moment et les enseignements des Grand Maîtres dans ces paroles improvisées, où il n'est pas rare de l'entendre chanter en langue. Auparavant considéré comme une curiosité de la musique psychédélique, la majorité des enregistrements sont à nouveau disponibles et restent très pertinents. Le film-documentaire "Re-Visiting FATHER and THE SOURCE FAMILY" s'avère un précieux document pour découvrir ce groupe particulier.




Une autre récente redécouverte, est The Trees Community, un groupe de hippies chrétiens dont les albums ont été réédités en 2007. Le superbe boîtier de 4 cd intitulé "The Christ Tree" vaut la peine d'être découvert par ce superbe billet du blog Les oreilles qui bourdonnent. Ce groupe a évidemment moins fait parler de lui, car il s'agit de chrétiens contemplatifs, chantant des hymnes à l'amour de Jésus et des passages de la bible. Disons que s'ils n'ont pas marqué l'histoire, c'est qu'ils n'ont pas connus les frasques que d'autres groupes ont connus. On parle plus ici d'un groupe de musiciens voyageant à travers les États-Unis et le Canada, contribuant à répandre la parole des Évangiles... un peu moins "sexe, drogues et rock'n roll".


Cette année, c'est au tour des compositions d'un groupe nommé The Process Church of The Final Judgement à renaître des cendres de l'oubli. Groupe légèrement controversé durant les années soixante, ceux-ci reconnaissaient un principe quaternaire à la divinité en les personnes de Dieu, Satan, Lucifer et Jésus, ce dernier étant le messager des trois autres entités. Naturellement, cela fut plus que suffisant pour qu'ils se fassent apposer l'étiquette satanique. Cependant, il ne semble pas que ce groupe fut ouvertement satanique, ni se réclamait des écrits fondateurs des religions sataniques. Cette triple personnification de Dieu fut simplement une lubie (ou illumination) du fondateur de la secte, lui-même ancien membre de l'Église de Scientologie. Certaines de leurs idées furent reprises par Charles Manson, mais le groupe du Process Church (ou Processean) ont entrepris des démarches judiciaires contre les auteurs ayant prétendus en des liens plus qu'idéologiques entre les deux groupes. Démarches qu'ils ont gagné par absence d'éléments prouvant des contacts directs avec Manson.

C'est au groupe Sabbath Assembly que revient le mérite d'avoir dépoussiérer les textes et les hymnes du Process Church. C'est d'ailleurs ce qui différencie Sabbath Assembly des autres groupes mentionnées plus haut. Il ne s'agit pas d'enregistrements d'époque fait par les membres de cette église. C'est plutôt un hommage à ce groupe religieux, en revisitant les hymnes de dévotions écrits par les membres. Sabbath Assembly est l'association de divers musiciens de la scène freak-folk américaine, regroupant entres autres David Nuss du No-Neck Blues Band et Jex Toth, originellement de Wooden Wand and the Vanishing Voice. Jex Toth étant la conjointe dudit Wooden Wand (James Jackson Toth). Deux groupes incroyables, mélangeant le folk et l'improvisation collective. Je me souviens d'avoir assisté au premier concert de Wooden Wand à la Casa Del Popolo il y a environ 3 ans, j'étais un fan avoué de son groupe et de son projet solo et une question me tracassait; en raison des nombreuses références à la religion et à la spiritualité, qu'elle était leur allégeance spirituelle? Faisaient-ils parti d'un groupe religieux? La réponse fut sans équivoque: on ne fait parti d'aucun groupe, si on fait cette musique c'est parce qu'on trouvait que ça manquait dans le paysage musical...




C'est donc par considération esthétique qu'un groupe de jeunots américains chantaient Dieu, la mystique et la quête spirituelle. Ça m'a un peu déçu. Je ne suis pas un fervent du "faire comme si" et certains vidéos sur Youtube montrent Sabbath Assembly "faire comme si" ils étaient dans le Process Church... Mais ils ne le sont pas. Même que je doute de leur connaissance de ce que représente s'investir corps et âme dans une démarche spirituelle, car ils auraient su reconnaître qu'on ne peut faire semblant...même si beaucoup le font...






Par contre, ils sont parvenus à créer un excellent disque de rock psychédélique, mystico-religieux, avec une saveur et une teinte résolument "seventies". C'est tout à leur honneur. Mais vu la qualité des musiciens derrière ce projet, on ne pouvait s'attendre à quelque chose de médiocre. Au début je croyais qu'il s'agissait d'un projet plus Black Métal (surtout que le label Ajna est reconnu pour ce genre de musique), ce fut une belle surprise de découvrir leur rock quand même léger, très mélodique, porté par la superbe voix, juste assez solonnelle, de Jex Toth.

Ajna ont aussi rééditer en vinyle la trame sonore du film "Lucifer Rising" de Kenneth Anger. La musique du film a été composée par Bobby Beausoleil, un des associé de Charles Manson, condamné à la prison à vie pour le meurtre de Gary Hinman. Il a composé cette trame sonore alors qu'il était incarcéré et on lui a donné le droit de monter un band de prisonniers avec qui l'enregistrer. Impressionnante pièce musicale pour une toute aussi impressionnante oeuvre cinématographique. /En passant, le disque de Charles Manson sorti sur ESP en 1974 a été réédité en cd.





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