samedi 25 décembre 2010

TOP 2010

Pour la forme. C'est toujours un exercice intéressant que de pouvoir cibler les albums qui nous ont le plus marqué durant une année... ou juste voir encore une fois à quel point j'ai acheté trop de disques...

Top 15 Albums:

- Acid Mothers Temple: " In 0 to infinity" (Important)
- Daniel Higgs :"Say God" (Thrill Jockey)
- Emeralds: "Does it Look I'm Here?" (Éditions Mego)
- Zs : "New Slaves" (The Social Registry)
- Mecha Fixes CLock: "À l'inattendu les dieux livrent passage" (& records)
- Peeesseye & Talibam! :"S/T" (Invada)
- James Blackshaw :" All is Falling" (Young God)
- Sabbath Assembly : "Restored to One" (Ajna Offensive)
- Duane Pitre : "Origin" (Root Strata)
- Mark McGuire: "Living With Yourself" (Éditions Mego)
- C.C. Hennix : "The Electric Harpsichord" (Die Schachtel)
- Pas Chic Chic : "12"(Semprini)
- Etienne O'Leary : "Musique de Films 1966-1968" (TNZR)
- Blue Water White Death :"S/T" (Graveface)
- Joshua Abrams : "Natural Information" (Eremite)


Top 5 Rééditions:

- German Oak: "S/T" (World Wide Records)
- Vincent le Masne & Bertrand Porquet :" Guitares Dérive" (Fractal)
- Charanjit Singh : "Ten Ragas to a Disco Beat" (Bombay Connection)
- Doug Snyder & Bob Thompson :"Daily Dance" ( Lion Productions)
- Far East Family Band : "The Cave Down to Earth" (Phoenix)

Top 5 Hip-Hop:

- Iris & Arm : "Les Courants Forts" (LZO)
- Lil B : "Rain in England" (Weird Forest)
- Shabazz Palaces: "CD1 + CD2" (Indépendant)
- 2 Mex : " My Fan Base Will Destroy You" (Strange Famous)
- Gangrene : "Gutter Water" (Decon


À bientôt

mercredi 22 décembre 2010

Iris & Arm :" Les Courants Forts" (LZO Records, 2010)


J'ai déjà parlé de Arm, le rappeur du groupe Psykick Lyrikah, sur ce blog. Il a, à mon humble avis, une des meilleures plumes du rap français. Quand j'ai découvert son groupe avec leur album "Des lumières sous la pluie", je me suis tout de suite identifié avec la sonorité et les paroles; adhésion immédiate à une esthétique que je recherchais depuis longtemps. Par la suite j'ai suivi les différentes sorties du groupe et j'.ai pu me procurer leur disque "Vu d'ici" lors d'une tournée en France. C'est lors de cette tournée que plusieurs personnes m'ont parlé d'un projet un peu obscur du beatmaker Robert le Magnifique auquel participait Arm. Un disque que j'ai cherché à chaque FNAC que je voyais mais que je n'ai jamais trouvé. Il s'agit de l'album "Hamlet", composé par Robert le Magnifique, Tepr et My dog is gay, trois beatmakers super intéressants. "Hamlet" est en fait la trame sonore d'une adaptation de la pièce de théâtre par une troupe un peu underground. De retour chez moi, j'ai cherché cet album sur les internets et j'ai finalement découvert qu'il y avait deux albums, le second intitulé "Thème et variations", où Robert le Magnifique compose tous les morceaux. J'ai donc commandé les deux disques directement à la troupe de théâtre l'Unijambiste. Quand l'année suivante je suis retourné à Saint-Étienne, le type qui m'avait parlé de ce disque me l'avait acheté et me l'a offert... Je n'ai pas eu le coeur de lui avouer que je l'avais déjà...



J'apprends donc il y a quelques temps que Arm s'apprête à sortir un nouveau disque en compagnie du rappeur Iris avec des productions de Robert le Magnifique, My dog is gay ainsi que d'autres producteurs une peu moins connus (pour moi)dont; Le Parasite, Pan@point, Boulo et Le Kidd (qui signe l'excellent beat de la chanson titre). J'avais un peu oublié qui était Iris en fait... Je ne me souvenais plus de l'avoir entendu sur une compilation que je m'étais procuré peu de temps après la découverte de Psykick Lyrikah. Quelle erreur, non seulement Iris est un excellent rappeur avec une écriture toute aussi intéressante que celle de Arm mais cette compilation est de la bombe. En fait, je ne sais pas s'il ne s'agit pas plutôt de l'album d'un collectif plutôt qu'une compile. Il s'agit du disque Soul'Sodium, un album regroupant la crème du rap français actuel, pour les amateurs de substance et de sons recherchés, bien entendu. On retrouve la-dessus Iris et Arm mais aussi Soklak, Sept et Grems, des rappeurs franchement intéressants. Sur cet album ils enchaînent les collabos et les pièces solo avec une homogénéité remarquable et beaucoup de bon goût. Pour en savoir plus sur ces artsites on peut aller sur le site du label LZO, très bien fait.



Par ailleurs, j'ai aussi découvert ce superbe morceau de Iris sur un beat de Para One (connu pour ses collabos avec TTC...)




Qu'en est-il de ce disque des deux plus grandes plumes du rap français? Un excellent disque, des beats variés, des thèmes introspectifs et réfléchis, avec des textes hautement imagés. De plus, la présentation de l'album est superbe, du moins la version du vinyle 7" avec le cd inséré à l'intérieur. Un superbe produit qui a eu le mérite d'être critiqué par Bande à Part.... un décevant 6.5.... que j'ai trouvé légèrement insultant... La pièce titre est probablement un de mes morceaux préférés de 2010, avec un beat parfait pour soutenir des textes d'une richesse qu'on retrouve trop peu dans le rap.

lundi 6 décembre 2010

Le Retour


Wow... rien écrit depuis le mois d'octobre. Disons que les derniers mois ont été quand même occupés et que je tarde à réinvestir ce blog... Mais ça s'en vient, avec prochainement une rétrospective de mon année 2010 en musique.

Reste que j'essaye de garder à jour les entrées pour le site de Digitalis où vous pouvez me lire dans ma langue seconde.

En passant je veux mettre en lien un disque qui est simplement phénoménal et je veux remercier Éric Fillion (Tenzier) d'avoir osé le sortir en vinyle. Il s'agit du disque d'Etienne O'Leary "Musiques de Films (1966-68). Un disque à se procurer pour sa pertinence historique et culturelle.

Tant qu'à y être, procurez-vous aussi les films de O'Leary avec la trame sonore, sur le site de Tenzier.

Lisez la critique ici

À bientôt

mardi 5 octobre 2010

Lil B :"Rain in england" (Weird Forest, 2010)




J'avais jamais entendu parlé de Lil B avant de tomber sur la plus récente liste d'Aquarius Records. Mon attention a été captée instantanément et les extraits proposés ont complété l'hameçonnage. Avec un nom comme Lil B, si j'étais tombé sur cet artiste avant, je l'aurais surement discrédité sans vraiment porter attention à son oeuvre et sa démarche. Et je serais passé à côté de quelque chose de vraiment particulier.

L'histoire de Lil B est somme toute connue; rappeur de Berkeley en Californie, âgé de 20 ans, fait parti d'un collectif juvénile nommé The Pack et a envahi Myspace avec une centaine de comptes différents. Il a aussi fait un video avec Soulja Boy, ce qui a grandement contribué à le faire connaître. Mais il est aussi très prolifique sur Myspace, Twitter et Youtube,etc. Lil B sait utiliser les réseaux sociaux à son avantage et les utilise bien.



Toute une démarche créative sous-tend sa musique et c'est une des chose qui le rend fortement intéressant. Autoproclamé "Based God", ce dernier a nommé sa démarche artistique comme étant des "Based Freestyles". Dans ses propos, il semble que Lil B a toujours été celui qu'on considérait comme étrange, le bizarre du groupe. Il se faisait traiter de "Basehead" (synonyme de crackhead) par les gens autour de lui en raison de son étrangeté . Seulement celui-ci s'est approprié l'insulte et l'a détourné à son avantage, lui donnant une signification tout autre, soit une appellation lui permettant de nommer le caractère unique de sa démarche. Ce faisant, il se permet une liberté artistique totalement incroyable. Beaucoup de ses chansons sur Youtube sont salaces et vulgaires, traitent de bitches, de grills, d'armes à feu, mais en même temps il se traite lui-même de tapette et de princesse...



Voilà qu'il vient de sortir un disque fascinant sur le label Weird Forest, qui a sorti plus tôt cette année le merveilleux disque de Mark McGuire (du groupe Emeralds) "Tidings/Amethyst Waves". Sur ce disque, Lil B rappe sur des nappes de synthétiseurs, sans beats. Un disque de rap New-Age, en lien direct avec tout la mouvance dite hypnagogique, se rapprochant musicalement d'artistes tels Emeralds, Oneohtrix Point Never et Dolphins in the Future. Produit par The Based God, on peut présumer que c'est lui qui a produit la totalité des pièces planantes qui composent ce disque. Sur 14 morceaux, Lil B nous livre son monde intérieur de façon surprenante, s'exprimant sur des thèmes très personnels qui lui permettent aussi d'exposer sa philosophie de vie. Il aborde ses craintes, les femmes, le rêve, la famille... C'est par moment d'une honnêteté étonnante, qu'on se surprend à se sentir voyeur. On reconnaît parfois le phrasé et les images d'un Saul Williams ou même de Killah Priest sur "Temple of the Mental". La majorité des morceaux durent plus de 5 minutes et sont exempts de refrains, ce qui m'amène à apprécier encore plus la démarche de cet artiste atypique...

Sauf que Lil B n'a pas la voix de Saul Williams et son flow reste somme toute monotone et redondant. Sur quelques pièces seulement s'autorise-t-il a chanter faux, mais cela apparaît comme bienvenue dans cet ensemble plutôt monochrome. La composition musicale est aussi un peu redondante, reposant surtout sur des notes de synthétiseur tenues à la manière de drones. Reste que ce disque est hypnotisant. Il me fascine de plus en plus, surtout dans l'écoute des propos de Lil B, qui semble osciller entre l'improvisation et le texte à l'intérieur d'une même chanson. Je me suis surpris à m'intéresser au cheminement de son inspiration et ses associations d'idées et surtout comment il enchaîne les images. Il dit lui-même qu'il tente de laisser parler son inconscient à travers ses freestyles (tiens tiens, ça me rappelle quelqu'un) et c'est en effet assez riche pour qu'on s'y perde momentanément. Car je doute quand même du côté totalement improvisé de la chose, car on aurait droit à des accrochages et des lapsus intéressants. Quoique certaines pièces sont livrées avec un débit plus près du spoken word, ce qui peut faciliter l'enchaînement des mots et des idées, improvisées ou non.

Bref, j'aime Lil B. J'aime quand un artiste ne se confine pas à une image et se permet de faire ce qu'il veut, vraiment ce qu'il veut.


vendredi 1 octobre 2010

Masayo Asahara : "Saint Agnes Fountain" (Audiolaceration , 2005)



Tromperie, parade...

C'est sous ces thèmes que se révèle ce disque intrigant et remarquable. Les notes du livret situent l'enregistrement et la composition de cette oeuvre en 1974. Masayo Asahara est alors étudiante à l'université d'Osaka et complète un doctorat portant sur les minimalistes américains tels LaMonte Young et Tony Conrad. Sous l'influence de groupes plus rock comme Faust et Soft Machine, elle décide d'enregistrer une de ses compositions fusionnant la musique minimale et le rock plus progressif.

S'ensuit un des meilleurs disques que j'ai écouté cette année, composé de drones d'orgue parsemé de manipulations sur bandes et augmenté d'une bonne dose de free-jazz. J'ai rarement mis la main sur un disque qui incorporait aussi bien différents genres de musique que j'affectionne. Avis à tous: il est incompréhensible que ce disque ne se soit pas faufilé dans les palmarès de musique obscure des années 70. Incompréhensible car tout simplement sublime.

L'histoire est quand même bien ficelée: seulement quelques copies en "test press", distribuées aux musiciens et amis, et qui finissent par sombrer dans l'oubli. Les musiciens sont nommés sur la pochette, l'histoire contemporaine de Asahara est relatée, une photo d'elle à Stonehenge... D'emblée la table est mis pour faire saliver tous les collectionneurs et aficionados du genre, moi en premier.

Seulement, une rapide recherche sur les internets nous montre que nous avons été floués. Il s'agit plutôt d'une oeuvre très contemporaine, composée en 2002 par un certain Martin Archer, l'homme derrière le label de musique improvisée anglais Discus. Il est aussi un musicien méconnu qui trempe dans le free-jazz et la musique électro-acoustique. Il a récemment sorti un disque en duo avec la vocaliste Julie Tippetts qui s'est attiré des critiques élogieuses. Néanmoins, on en ressort avec le sentiment de s'être fait tromper.

Pour Lacan, l'amour est le résultat d'une tromperie où on parvient à convaincre l'autre que l'on possède ce qui lui fait défaut, donc de donner ce qu'on n'a pas. Cette dynamique est superbement exemplifiée avec ce disque de Martin Archer et le sentiment qu'il a suscité chez moi au début était tout aussi fascinant que de tomber en amour. N'ai-je pas déjà dit que ma recherche amoureuse et ma recherche de disques sont étroitement liées? C'est encore plus vrai en prenant ce pas de recul que ma fait vivre non pas la musique du disque, mais toute l'image qui l'entoure.

Par ailleurs, sur la pochette, nous avons une toile datant de 1450 du peintre Jean Fouquet. Elle fait partie d'un dyptique célèbre et représente la Vierge Marie donnant le sein à un enfant Jésus surprenamment joufflu (et âgé). Il s'agit d'une des rares représentations de la vierge où elle dévoile la totalité d'un de ses seins. L'histoire raconte qu'il s'agirait plutôt d'un portrait, celui d'Agnes Sorel, première maîtresse officielle d'un roi de France. Celle-ci serait morte à l'âge de 28 ans et de récentes recherches avancent qu'elle a surement été empoisonnée au mercure. Il est étrange qu'un portrait de la Vierge Marie soit en fait inspirée par une femme qui est tout sauf vierge... L'oeuvre en fait n'est surement pas ce qu'elle paraît. Ce dyptique fut une commande d'un certain Etienne Chevalier, qui fut "très proche" d'Agnes Sorel et aussi son exécuteur testamentaire. Peut-être s'agit-il d'une supercherie. On peut supposer Chevalier comme un amant proche d'Agnes et la seule façon pour lui de posséder la maîtresse du roi fut de commander son portrait sans que personne ne le soupçonne. D'ailleurs les anges et chérubins qui complètent la toile sont tous occupés à regarder ailleurs.

mardi 28 septembre 2010

German Oak ou Le Lieu de l'Autre


Le psychanalyste Jacques Lacan a travaillé une bonne partie de sa vie à déterminer une topologie de l'inconscient. En utilisant des figures telles la bande de Moebius ou le noeud boroméeen, il propose une étude du lieu par où l'homme se définit et plus particulièrement du lieu où il parle. Où ÇA parle. Le Sujet de la psychanalyse, ou de l'inconscient freudien, se manifeste à travers le Langage et subséquemment, ne peut se définir complètement de la sorte. Il y a toujours une partie de lui qui lui échappe, un irréductible. L'Autre, pour Lacan, est préalable à l'existence d'un pur Sujet signifiant, pas d'Autre, pas de Sujet. L'Autre est le lieu de déploiement de la parole.

Mes premières explorations en musique improvisée, particulièrement dans le free-jazz, m'ont amené à considérer cette notion du lieu dans l'improvisation. Tout d'abord, j'en était venu à la réflexion que l'idiome du jazz , dans l'improvisation, variait sensiblement en fonction du lieu d'où il était joué et par qui il était joué. Outre les différentes écoles qui se sont formées, il semblait exister encore un irréductible propre à l'individu qui le jouait, qui semblait fortement influencé par son origine, son lieu de naissance, la langue qu'il parlait. Naturellement, un interprète ne reste qu'un émulateur, mais lorsqu'on aborde l'idiome du jazz à travers l'improvisation libre, quelque chose est voué à se manifester. Une chose à laquelle l'individu ne peut échapper qui va au-delà de la technique; le Sujet.

Ainsi, outre notre langage ou notre lieu de naissance, le lieu physique joue également un rôle important dans l'improvisation. Car les lieux parlent. À travers les musiciens bien sûr mais aussi à travers cet Autre qui nous habite et dans lequel nous baignons constamment. Plusieurs reconnaîtront avoir vécu d'étranges impressions lorsqu'ils se trouvaient dans des lieux bien particulier. Des impressions difficilement verbalisables. Mais pour certains, la musique permet de témoigner ce qui est en train de se produire.

Sur le sous-estimé disque "Hell's Kitchen/Live from Soundscapes", on retrouve deux improvisations de Don Cherry à l'intérieur de la Mammoth Cave au Kentucky, enregistrées en 1978. Sur ces pures pièces de créativité, Cherry joue des stalactites et de la flûte. La première, stalactites seulement, est phénoménale; une oeuvre pour percussions naturelles aux résonances d'un monde distant. Plusieurs artistes ou compositeurs ont utilisé des lieux naturels pour offrir des installations sonores ou y donner des performances utilisant l'acoustique particulière des lieux. Mais ici on a l'impression de se retrouver face à un musicien qui fonctionne à l'instinct et qui laisse définitivement le lieu parler à travers lui.




Même chose sur l'incroyable le disque de Peter Brotzmann et Han Bennink "Schwarzwaldfahrt", enregistré en 1977 où les deux comparses se sont retrouvés dans la Forêt Noire (dans le Sud-Ouest de l'Allemagne)pour y improviser leurs vies. S'enfonçant au coeur de la forêt pour laisser le Langage parle à travers eux: leurs instruments, les éléments, leurs cris, les animaux...



Plus près de nous, c'est le Jewelled Antler Collective qui s'est légèrement réapproprié cette démarche esthétique; des enregistrements extérieurs avec les aléas de la nature à leur disposition. Un de mes disque préférés du genre demeure cependant "Leaves" des australiens Eugene Carchesio et Leighton Craig, sorti sur Naturestrip il y a quelques années. Vraiment un disque d'une fragile beauté qui mérite d'être découvert.

Mais outre la nature, il y a des lieux qui sont chargés d'histoire et ce sont ceux-ci qui nous intéressent présentement. German Oak est un groupe allemand qui semble n'avoir enregistré que très peu d'albums dont leur premier en 1972. Il y a eu quelques rééditions en cd mais le label Flashback viennent de le faire en vinyle pour la première fois, si je ne m'abuse. Plusieurs considèrent ce disque comme la quintessence du Krautrock et ils n'ont pas tort. Disque incroyable, enregistré dans un bunker nazi de la deuxième guerre mondiale par quatre jeunes musiciens allemands issus de cette générations d'après-guerre. Le documentaire de la BBC sur le Krautrock nous éclaire un peu sur le sentiment envahissant qui s'instillait chez les jeunes de cette première génération d'après-guerre. Au lieu de tout refouler, German Oak se sont appropriés l'histoire et le lieu avec des titres comme "Raid Over Dusseldorf", "Swastika Rising" et "The Third Reich". J'ignore leur allégeance idéologique, je ne crois pas qu'il soient pro-nazis, peut-être seulement des jeunes qui ne souhaitaient pas souffrir de la honte et de l'humiliation de la défaite en effaçant une partie de leur histoire. D'ailleurs, à l'arrière du disque on peut y lire:

"If we were not born, we could not have done this. So we dedicate this record to our parents which had a bad time in World War 2.

As we played down there in the bunker, suddenly a strange atmosphere began to work. The ghosts of the past whispered.

There has been fear, desperation- but also hope!
Maybe you will feel such impressions too by listening carefully."



Certaines pièces sont groovy (comme celle plus haut) mais d'autres moments sur ce disque sont beaucoup plus près du Kosmische rock avec des improvisations aux synthés, de la guitare électrique et des structures un peu plus déconstruites.

Il y a un autre disque, qui lui a presque fait mon top 10 de l'année dernière, enregistré dans les mêmes circonstances ou presque. Il s'agit de l'album "Well Song" du néo-zélandais Anthony Milton, plus connu sous The Nether Dawn, sorti sur le label Porter Records. Ce magnifique album a été enregistré dans un bunker en Nouvelle-Zélande qui avait comme fonction de défendre l'île face à une éventuelle invasion tsariste au début du 20e siècle. Vraiment un beau disque de guitare, de chants inspirés et de drones... un moment de fragilité.

lundi 20 septembre 2010

Shawn David McMillen : "Dead Friends" (Tompkins Sqaure, 2010)


Sacrament.

Tout pue la mort ces jours-ci. C'est peut-être la venue de l'automne qui instille cette odeur omniprésente... Quoique d'habitude c'est plutôt durant les mois d'octobre et de novembre que cette aura se fait sentir.

Difficile d'avoir le coeur à la fête et les disques qui me marquent le plus ces derniers temps sont en général glauques. De par son titre, le dernier album de Shawn McMillen m'emmène à réfléchir sur la perte et le deuil... Souvent il y a des deuils qui n'impliquent pas de personnes, mais des relations, des personnes interposées... ce sont souvent ces deuils qui nous prennent par surprise. À l'image d'une famille dans laquelle un des parents est alcoolique. S'il arrête sa consommation (pour le mieux), le reste de la famille, ou le système, va devoir se réajuster à la nouvelle entité qui prend place. Les choses ne sont plus les mêmes et on s'habitue bien vite à notre malheur. Marquer le deuil dans ces situations est une façon de voir le changement, de ne pas se fermer les yeux sur la situation mais bien de l'appréhender sous un angle nouveau, avec une bonne dose de réalisme. Mais ce n'est pas un blog de psycho-pop et de croissance personnelle.

"Dead Friends" est un disque d'automne, mais ce n'est pas une oeuvre monochrome, elle affiche bien des couleurs. Je n'ai pas accroché d'emblée sur le guitariste Shawn David McMillen. Je l'avais vu en spectacle au Divan Orange dans le cadre du Suoni il y a deux ans en première partie de Tom Carter., Son spectacle était honnête, sans plus, mais j'avais tout de même acheté un de ses albums. Ce disque, j'en ai parlé dans ces pages, intitulé "Catfish" avait été une sacrée découverte. Sorti sur Tompkins Square, un label que j'associe à la guitare folk somme toute conventionnelle, cet album m'avait surpris par son côté plus "noise" et l'utilisation d'électroniques.

Cette nouvelle sortie de McMillen est dans la même veine que le précédent; un beau mélange de folk et de noise. Les pièces alternent entre guitare acoustique, guitare électrique, piano, banjo, violon.. Certaines pièces sont augmentées de kalimba, joué par Ralph White, ce qui par moment vient donner une teinte un peu exotique à l'ensemble. On retrouve sur certains morceaux le chant de McMillen, parfois avec des paroles, mais généralement se sont plus des vocalises. Les atmosphères sont surprenamment changeantes dépendant des pièces. Certaines sont épurées, où on retrouve des lignes de guitares superposées et d'autres nous offrent des ambiances plus chargées, aux sonorités un peu plus touffues. Tout de même, malgré la perte de ses amis, McMillen parvient à conserver un équilibre intéressant entre folk et musique expérimentale.

Équilibre que je me dois de retrouver moi aussi.

mardi 14 septembre 2010

James Blackshaw: "All is Falling" (Young god Records, 2010)





Tout est en train de s'écrouler. Lucrèce, dans De Natura Rerum, parlait du clinamen des atomes, c'est-à-dire des variations altérant leur chute dans l'abysse, permettant au monde sensible d'exister.

Si on doit tomber pour exister, j'ai rarement aussi exister que ces derniers mois.

Cependant, dans la chute on cherche des repères auxquels s'accrocher, des points d'ancrage qui permettront de nous retenir si jamais la prise commence à glisser.

Quand je parle de ces disques qui remplissent cette fonction de trame sonore de nos vies, le dernier disque de James Blackshaw en est un. C'est aussi un disque qui me permet d'écrire et de m'accrocher à quelque chose, à cette insaisissable émotion qui me rappelle à ma vulnérabilité, à cette qualité d'humain.

Blackshaw nous sert une oeuvre solennelle, empreinte d'émotions et de beauté afin que s'ouvre cette scène de l'imaginaire sur laquelle se déroule la trame parallèle de nos vies. Mais quand les acteurs sont en place, on ne sait jamais quels sont leurs rôles véritables.

Ce disque se veut un point culminant du parcours de ce musicien atypique. "The Glass Bead Game" paru l'année dernière m'avait laissé un peu sur ma faim et ne paraissait pas totalement achevé. Sur "All is Falling", Blackshaw est accompagné de Charlotte Glasson au violon, flûte, saxophone alto et glockenspiel, Fran Bury au violon et voix et Daniel Madav au violoncelle. La charge émotionnelle que d'habitude suscite les cordes est au rendez-vous . Blackshaw quant à lui s'arme d'une guitare électrique à douze cordes, joue beaucoup de piano, du glockenspiel, des percussions et un peu de voix également. Un disque très lyrique aux mélodies captivantes et aux répétitions bien entretenues. Ses références aux compositeurs minimalistes sont beaucoup plus assumées que sur son album précédent. Ses compositions sont limpides, et superbement achevée.

Les morceaux formant ce disque sont sans titres, ils sont seulement chiffrés de 1 à 8. Une longue pièce en huit mouvements aux enchaînements sans heurts. En fait, les seuls morceaux se terminant par des silences ou des coupures musicales sont les parties 1, 6 ,7 et 8, la pièce finale. La dernière pièces permet au compositeur de sortir un peu du cadre référentiel auquel il nous habitué à la guitare et au piano en explorant plus les tonalités des drones. Les glissandos de la partie 7 peuvent à cet effet être perçus comme une sirène d'alarme nous invitant à prêter l'oreille à ce qui s'ensuit.



La partie 6 a particulièrement capté mon attention. C'est uniquement sur cette pièce que se font entendre les voix de Blackshaw et Bury. Ceux-ci ne chantent pas, ils comptent la rythmique la pièce. En fait Bury compte les 1-2-3-4 et Blackshaw ponctue une autre rythmique sur laquelle les percussions viennent appuyer la guitare. Quiconque ayant une expérience des mouvements sacrés de Gurdjieff sentira une certaine familiarité avec cette façon de compter, rappelant le compte rythmique de certains mouvements lorsqu'ils sont pratiqués sans la musique. Mais peut-être est-ce moi qui ressent trop le besoin de m'accrocher à quelque chose...


mercredi 18 août 2010

Aceyalone : "A Book of Human Language" (Project Blowed, 1998)


Je me fait souvent demander quels sont les disques de rap qui m'ont le plus marqué. Je suis toujours très embêté de répondre à cette question car on dirait que ça s'est passé par étapes. Donc, certains disques ont marqué certaines étapes de ma vie et de ma démarche musical. Material Intonarumori, Wu-Tang "Enter the 36 chambers", Mobb Deep "The Infamous", Company Flow "Funcrusher Plus", Swollen Members "Balance".... Et la liste s'allonge encore de plusieurs titres... Des albums qui m'ont accompagnés dans des moments forts de am vie, où je ne prêtais pas nécessairement attention à la réalisation ou l'agilité lyricale des rappeurs.

Cependant, l'album qui vient constamment en tête de liste n'est pas celui qui a laissé la plus grande empreinte émotive. C'est un disque que j'ai découvert assez tard (99-2000), mais qui a profondément marqué ma vision du rap et de la musique. Je réalise de plus en plus que je ne suis pas le seul qui a été marqué par ce chef d'oeuvre. Partout à travers le monde, je vois cet album se faire mentionner comme étant un des plus grand disque de rap jamais fait. Je parle ici de l'album du rappeur californien Aceyalone "A Book Of Human Language".



Aceyalone s'est fait connaître à Los Angeles par les sessions de micro ouvert de The Good Life Cafe et Project Blowed. Le documentaire "Freestyle: The Art of Rhyme" retrace bien cette épopée du début des années 90.



C'est à cette époque que se forme le groupe Freestyle Fellowship, un des plus grand groupe de la côte ouest à mon avis. Formé de Aceyalone, mais aussi de Mykah 9, P.E.A.C.E. et Self Jupiter. À eux seuls, ce quatuor ont redéfini la scène Hip-Hop undergound de Los Angeles. Ils ont fait paraître quelques albums dans la première moitié des années 90 mais je n'ai jamais vraiment accroché. Aceyalone et surtout son acolyte Mykah 9 ont redéfini les notions de "flow" et ont emmené le rap à sortir d'une zone de confort artistique. On dit aussi que Mykah 9 est le premier à avoir rappé en "double-time" sur un beat.





(man je pourrais faire une entrée entière sur Mykah 9...)

Fier de cette origine mythique, Aceyalone a tenté rapidement l'aventure solo et en 95, il fait paraître "All Balls Don't Bounce". Disque que je dois avouer n'avoir jamais écouté... J'ai été trop pris par son successeur, le fameux "A Book of Human Language". Pour ce disque, Acey a fait appel à un producteur très peu connu de la scène Hip-Hop, un certain Mumbles. Issu d'une famille de musiciens de jazz, Mumbles, après avoir complété cet album, s'est tourné vers la pratique spirituelle en embrassant une branche de l'hindouisme. Quand on réalise avoir une telle oeuvre, cela ne m'apparaît pas comme déplacé, mais bien comme étant la seule issue possible s'il ne souhaitait pas finir comme Aceyalone et jamais ne pouvoir remonter au niveau atteint par cet album. Les beats, sont riches et variés, très différent des beats hip-hop de l'époque et c'est une des critiques qui a été faite à ce disque. Je me souviens quand j'ai découvert ce disque, je l'écoutais dans l'auto de ma mère et Rass et l'Intrus de mon groupe Traumaturges, avaient eu la même réaction : " Yo, c'est pas du rap, ça!" Commentaire qui a l'époque avait contribué à marquer une scission définitive au niveau artistique avec une partie de mon groupe. J'étais convaincu de tenir dans mes mains un chef d'oeuvre de Hip-Hop et me faire dire que ce n'en était pas, n'était tout simplement pas concevable. Je me rappelle même que j'étais en train d'écouter cette chanson:



Encore aujourd'hui j'ai de la misère à identifier un rappeur capable de "flower" autant sur un beat, surtout sur celui-ci en particulier. C'est un des meilleurs exemples de comment "rider" un beat.

Mais le véritable tour de force de ce disque, selon moi, réside dans les paroles d'Aceyalone et la structure du disque. Construit comme un livre avec des chapitres, il y a une incroyable cohésion entre les pièces, où bien les thématiques se suivent d'une façon logique, les paroles se référent à d'autres "chapitres" du disque. Une cohésion tellement logique et solide que je ne crois pas que l'exploit ait été reproduit dans le monde du Hip-Hop depuis. On voit bien que Aceyalone avait une idée directrice en tête et qu'il l'a suivi jusqu'au bout. Je peux difficilement m'imaginer le degré de réflexion qu'il lui a fallu pour écrire ces textes. Car chaque texte aborde un aspect de l'être humain, de son intégration dans le Langage et de sa survie. sur les vingt pièces composant cet album, il n'y a pas de moments faibles, certains morceaux marquent plus que d'autres, mais tous sont pertinents et contribuent à la cohésion de l'oeuvre. La lucidité de son propos est tout aussi remarquable.



Je me souviens d'avoir attendu impatiemment la suite de ce disque, de me tenir à l'affut de ce qui sortait chez Project Blowed et Nu Gruv Alliance. J'ai découvert des bons trucs et finalement est sorti le disque "Accepted Eclectic" en 2001... et la déception fut grande, à un point tel que je lui en voulait presque de ne pas avoir été à la hauteur de mes attentes. Mais avec le recul je comprends qu'il est extrêmement difficile de réaliser un tel tour de force.

samedi 14 août 2010

The Hired Hand


Au départ il y a eu une trame sonore. Superbe oeuvre du compositeur Bruce Langhorne, que j'ai découvert dans les pages virtuelles d'Aquarius Records. Je faisait une recherche sur le musicien Scott Tuma et je suis tombé la-dessus. L'éloquence des extraits proposés fut suffisante pour m'inciter à acheter ce disque. Quand je l'ai reçu, j'étais un peu réticent à l'écouter; les trames sonores et les compilations ont toujours cet effet là sur moi. D'autant plus que je n'avais jamais entendu parler du film en question. Mais une fois que je l'ai mis dans mon lecteur cd, je ne pouvais plus l'enlever. J'ai dû écouter l'album 6 fois en ligne le même soir... par chance c'est relativement court. J'ai été totalement subjugué.



J'ai tout de suite voulu en parler; faire connaître cette musique hypnotique et envoûtante au plus grand nombre. Mais je me disais que ce ne serait pas faire justice que de le faire sans avoir regarder le film au préalable. Mais voilà, c'est fait.

Car "The Hired Hand" ce veut un film relativement mythique. Premier film produit par Peter Fonda tout juste sur les traces fumantes de "Easy Rider". Fonda cherchait encore à marquer le cinéma américain au fer rouge. Cependant ce scénario ne s'est pas déroulé comme prévu. Selon l'histoire, le film est resté deux semaines en salle de cinéma à sa sortie, a été retiré par la suite , est passé une fois à la télé américaine en 1973 et a été oublié. Ce serait sous l'insistance de Martin Scorcese que le film a été réédité en dvd en 2001 par Sundance Films.. Et ce n'est pas un film facile à trouver... j'ai fait quelques clubs vidéos dit de répertoire (Boîte Noire, Le Cinoche, Torréficition...) et aucun ne savait de quoi je parlais. C'est sur Ebay que je l'ai finalement déniché.

Je ne peux pas dire que c'est le meilleur film que j'ai vu, loin de là. Mais c'est sans doute un des plus beau. La musique de Bruce Langhorne prend tout son sens dans le contexte du film et acquiert une profondeur qui échappe lorsqu'écoutée pour elle-même. Les lentes scènes de chevauchées en solitaire, où les images se superposent et où les bleus et les oranges sont saturés, apportent une teinte de mélancolie angoissante si difficile à définir à la musique... Ces instants d'abstractions cinématographiques de superpositions de photos et d'images qui s'emmêlent les unes dans les autres sont rehaussé par une musique tout aussi surréelle mais ô combien ancrée ancrée dans le folklore folk américain. L'utilisation du dulcimer appalachien, de banjo, de farfisa, d'échoplex rudimentaire, font de l'ensemble musicale une trame vaporeuse à travers laquelle émerge quelques fragments de signifiants, d'un film qui au premier abord est un peu long et plate.

Le scénario apparaît comme simple mais en lui sommeille une mine d'interprétations ne demandant qu'à être extraites. Il s'agit de ce qu'on a qualifié d'un anti-western; l'inverse de ce qu'on film de western devrait être. Le film débute avec trois cow-boy sur le bord d'un cours d'eau, dont un se baigne dans la rivière, les images aux ralenties, la lumière saturée et la musique...cette musique... l'introduction est à couper le souffle. Cette insouciance du début s'envole rapidement avec la découverte du corps d'une petite fille flottant dans la rivière. Personnage passager du film, dont on ignore la genèse et qui n'a pas de lien avec l'intrigue principale. Cette macabre découverte est le début d'une remise en question d'un mode de vie. Nos trois comparses sont en route vers la Californie pour refaire leur vie, ils rêvent à l'océan, dont ils ont entendu dire que c'était la plus grande étendue d'eau jamais vue. En chemin ils arrivent dans une étrange ville, où il n'existe aucun forgeron et où il y a peu de femmes. Ville que le personnage principal de Harry Collings (Peter Fonda)reconnaît y être venu il y a quelques années. Car ça fait maintenant 7 ans que notre héros à quitté sa femme et sa fille, femme dont il ne se souvient plus très bien, de 10 ans son aînée. Dans cette ville étrange, son compagnon le plus jeune, se fait tuer par un homme qui l'aurait surpris à violer sa femme (on en doute), probablement l'unique du village.

Il est de mon avis que les trois personnages masculins sont tous des dimensions particulières du personnage principal. Le plus jeune, Dan Griffen (Robert Pratt), est un peu fol, rêve ardemment de Californie et est un peu naïf. Peu avant la mort de celui-ci, Harry annonce qu'il désire retourner chez lui, qu'il est fatigué de cette vie d'errance et suite au décès de Dan, la décision est prise: Harry et Arch Harris (Warren Oates)vont retourner chez Hannah (Verna Bloom), la femme de Henry. Mais avant leur départ, ils doivent venger la mort de leur ami en allant reprendre son cheval chez les bandits. Ils quittent avec le cheval, et étrangement, Fonda laisse un drôle de souvenir à l'homme qui a tué Dan en lui tirant une balle dans chaque pied alors qu'il dort, pour en faire un genre de scène de "stigmata", rappelant la crucifixion du Christ...


Naturellement le retour du mari fuyard n'est pas très bien reçu par sa femme. Mais celle-ci accepte tout de même d'héberger les deux hommes comme "hired hand", soit des hommes à tout faire. Ceux-ci se mettent rapidement au travail et tandis que Henry garde ses distances face à sa femme et sa fille qui le croit mort, Arch Harris lui s'en rapproche un peu plus. Plusieurs scènes le montre le soir discutant avec Hannah en fumant, et une scène particulière où il est plein d'attention envers la fille de son ami alors que ce dernier ne lui adresse jamais la parole. Le personnage de Peter Fonda est un homme de peu de mots, il s'exprime avec parcimonie et ne manifeste que très peu d'émotions, ce sont les deux autres qui parlent à sa place. Alors qu'ils sont en ville les deux hommes apprennent d'un type au saloon que Hannah engageait régulièrement des "hired hand" et qu'elle avait l'habitude de leur faire partager son lit. Lorsque Henry la confronte à ce sujet, celle-ci ne nie pas et au contraire, s'affirme comme une femme libérée, maîtresse de sa maison, de son corps et de ses terres. Par la suite, Mr.Harris décide de repartir, reprendre la route de la Californie. Lorsqu'il décide de quitter, nous avons un superbe dialogue entre Hannah et Henry sur le rôle symbolique de Mr. Harris dans la vie de Henry. Elle expose les tenants d'une relation homosexuelle (sans sexualité) qui lie Henry à cet homme; qui se tient entre elle et lui et qui le rappelle toujours à son passé de cow-boy errant. Après le départ de Mr. Harris, Henry se rapproche de sa femme et reprend graduellement le rôle qu'il avait délaissé quelques années auparavant; le père et l'époux.

Mais alors qu'on croyait notre héros de retour à une vie familiale rurale, un des bandit du début lui amène un doigt de Mr. Harris, en lui disant que son ami le demandait et qu'il devait le voir. Chaque semaine où il ne se présenterait pas, Arch Harris perdrait un autre doigt. "The Hired Hand"...

Henry pars donc à la rescousse son compagnon au grand désarroi de sa femme qui réalise bien que son mari ne reviendra pas. Comme de fait, c'est Arch Harris qui revient à la ferme de Hannah, pour s'installer dans la grange en tant qu'"Hired Hand", un doigt en moins.

On a ici possiblement une belle métaphore psychanalytique, illustrant la seconde topique freudienne du Ça, Moi et Surmoi. Où trois générations d'hommes se côtoient au départ et meurent au courant du film pour ne laisser qu'un seul vainqueur, le plus vieux, celui qui a le plus d'expérience, qui est celui capable de porter un regard critique sur sa situation et de s'imposer des interdits (le Surmoi). Le plus bel exemple de cet interdit est la finale où, sans un mot, Arch Harris passe devant Hannah en traînant le cheval de Henry et entre dans la grange, non dans la maison de Hannah... La perte du doigt, c'est aussi l'inscription dans le corps de la métaphore, le passage à une instance psychique qui impose des limites et des interdits ne se fait pas sans en payer le prix. Le Moi pourrait être incarné par le personnage de Peter Fonda; instance silencieuse, qui est constamment menacé par la répétition et qui finit par effectivement quitter, en proie à la pulsion de mort. Le personnage du Ça n'apparaît que très brièvement, mais cette pulsion reste omniprésente dans le film et est ramené à la réalité par les questionnements de la femme. On comprend rapidement que Dan Griffen incarne cette pulsion de découverte et de liberté. Exemples éloquents quand il se baigne au début,lorsqu'il se promène dans la ville insouciant en combinaison et qu'il ne peut réprimer sa pulsion sexuelle. Pulsion sexuelle qui l'entraîne vers la mort.


Film somme toute intéressant, avec une superbe direction photo et une trame sonore magnifique. La scène de baignade du début est d'ailleurs considérée par plusieurs amateurs comme une des plus belles introduction de film jamais faites.


lundi 26 juillet 2010

Ceschi Ramos : "The one-man band broke up" (Fake Four , 2010)


Pour l'amateur sérieux de hip-hop underground, il y a un nom dont il n'est plus possible de faire abstraction. Un rapper qui, depuis 2004, soit la sortie de son premier album officiel, accumule les éloges du public mais aussi de ses pairs. Ce nom est bien entendu celui de Ceschi Ramos; artiste originaire de la côte ouest américaine (Los Angeles plus précisément) mais relocalisé présentement à New Haven au Connecticut. En 94, lui et son frère David Ramos ont parti le projet/label/c'est pas clair, Anonymous Inc. Depuis, ils ont aussi crée le label Fake Four, en l'honneur des quatre doigts à la main droite de Ceschi.

C'est cependant en 2007 que Ceschi a connu le succès d'estime avec la sortie du disque "They Hate Francisco False" sur son propre label. Un bon disque, sans plus. Le ton est un peu geignard et il faut aimer le genre "rap chanté", qui semble devenir de plus en plus à la mode dans certains réseaux. C'est encore une fois Scott Da Ros qui m'avait prêté ce disque pour que je l'écoute. Je n'ai pas super accroché sur le moment, ce n'est qu'en écoutant sa collaboration avec Noah 23 que j'ai eu envie de me lancer un peu plus dans la découverte de cet artiste.




Il m'est arrivé sensiblement la même chose avec Atmosphere. Au moment de la sortie de "God Loves Ugly", il y avait un gros hype autour de ce rapper. J'ai donc écouté son disque en magasin et n'ai pas aimé sur le coup. C'est son morceau sur la compilation "Music for the Advancement of Hip-Hop" du label Anticon "Nothing but Sunshine" qui m'a ouvert la porte de son univers, son humour et sa profondeur.



Ainsi, depuis 2007, Ceschi accumule les featurings et tourne énormément aux États-Unis et en Europe (mais jamais venu à Montréal...). On peut comprendre pourquoi. C'est invitant de faire une collaboration avec Ceschi; rapper polyvalent, capable chanter juste, de jouer des instruments, de rapper normal et en "double time" et souvent dans la même chanson. Il peut s'adapter à toutes sortes de styles et de contextes et contribue normalement à rehausser une pièce par des refrains accrocheurs.

Son nouveau disque,"The One Man band Broke Up", est produit par Dj Scientist et est vraiment intéressant. Nous est servi un hip-hop somme toute relativement conventionnel, avec des collaborateurs qui le suivent depuis le début et quelques invités ayant croisé sa route depuis les dernières années. Ceschi joue plusieurs instruments tels; synth, guitare, banjo, ukulélé, piano, basse... Ce qui donne au final un disque très riche mélodiquement et suffisamment varié pour maintenir l'intérêt durant tout l'album. Il y a même un morceau qui m'a fait penser à du Genesis époque Peter Gabriel( For My Disappointing Hip Hop Heroes).Les chansons sont très bien construites, parlent de solitude, de la difficulté à vivre de la musique (superbe "No New-York" avec Astronautalis), de mal de vivre, la mort, la perte de l'innocence... On passe du folk, à un genre de prog, ensuite au Hip-Hop avec au passage des drumkits plus jazzy.

On s'entend que si un "One man band" se sépare, c'est suite à des conflits internes entre différentes factions. Cette séparation interne est un concept intéressant et je ne sais pas si Ceschi lui attribue la même signification que moi. Une des célèbres question du psychanalyste Jacques Lacan est: "Qui dis JE ?". En effet, qui en nous à la capacité de parler au nom de tout notre être? Gurdjieff quant à lui nous avait aussi prévenu; nous sommes construits d'une multitude de "moi" qui s'affrontent sans cesse et contribuent à nous maintenir dans un état de demi-sommeil. "La vie n'es réelle que lorsque JE suis" nous rappelle-t-il.




Les invités sur ce disque sont assez nombreux et se partage les tâches de production, d'arrangements et de composition musicales. Soulignons la présence de Sole sur la pièce "Long Live The Short Lived", Le seul moment faible du disque. Pas la pièce en tant que tel, mais le couplet de Sole est d'une banalité... De plus en plus, j'ai l'impression que Sole ne se force pas pour écrire lorsqu'il collabore sur le disque de quelqu'un d'autre. J'ai eu la même impression avec son couplet sur l'album de Bleubird "RIP U.S.A.". Peut-être que c'est moi aussi qui est juste saturé. En parlant de Sole, son deuxième disque avec le Skyrider Band est sorti sur Fake Four et non sur Anticon... comme quoi les temps changent. Reste que je m'ennuie de ça :



Le label Fake Four commence sérieusement à se faire remarquer. Devenu un joueur majeur dans l'underground. Ils ont sorti l'excellent album de Myka 9 "1969"(si vous avez dormi sur cet album réveillez-vous! Retournez l'écouter, un excellent exemple de ce que veut dire avoir du flow...), le disque de Factor (beatmaker l'ouest canadien)et la collaboration entre Factor et Awol One. C'est encore ce même beatmaker qui a produit le disque de Myka 9, il n'invente rien mais est très efficace. Mais Fake Four ce n'est pas que du Hip-Hop, c'est du pop, du rock progressif, des mélanges de genres parfois réussis et d'autres fois moins. Une des belles réussites est le disque du jeune frère de Ceschi, David Ramos "This Up Here".

mercredi 14 juillet 2010

Sabbath Assembly: "Restored to One" (Ajna, 2010)


Quelle étrange époque que représente les années soixante dans le monde occidental. Soulevée par une génération d'après-guerre, cette période de l'humanité porte en elle les caractéristiques des périodes charnières. Ce n'est surement que dans une centaine d'années qu'on s'apercevra à quel point le monde occidental a été façonné par les réformes sociales, humaines et religieuses qui ont eut lieu à cette à ce moment-là.

Dans cette ère associée à la modernité, plusieurs prédisaient la chute de la religion et la victoire de la pensée scientifique. Comme de fait, de nombreux fidèles ont quitté les églises chrétiennes mais c'était pour mieux s'investir dans d'autres religions ou nouveaux mouvements religieux. Ce phénomène a mené plusieurs chercheurs à avancer que la modernité ne signifie pas la fin du Croire, simplement une restructuration des tenants de cette soi-disant modernité. De plus, l'utilisation d'un modèle de réduction/non-réduction ne s'applique plus si on veut se sortir de l'impasse que le Croire impose à la modernité.

Il s'en est passé des choses dans les années soixante; l'ouverture de l'occident aux philosophies orientales est venue marquer au fer rouge toute une génération de chercheurs, en quête de réponses existentielles. Les communes hippies se sont avérés des terreaux fertiles où pouvaient s'implanter des nouvelles croyances, drogues incluses ou non. Timothy Leary, Ram Dass, Chogyam Trungpa, Pandit Pran Nath, Alan Watts, Krishnamurti, Aldous Huxley, Osho Rajneesh, Yogi Bahjan, Sathya Sai Baba, Sri Aurobindo, Maharishi Mahesh Yogi... voici quelques-uns des noms les plus connus associées à cette époque et on peut surement en rajouter plein d'autres. Mais voilà des maîtres ou enseignants qui se réclamaient, ou descendaient presque tous d'une lignée ou d'une tradition spirituelle (sauf Timothy Leary). L'idée est qu'il y en a eu une multitude d'autres qui ont aussi marqué l'histoire à leur façon et certains pour des mauvaises raisons (Charles Manson, par exemple).

Les nouvelles technologies et la facilité à laquelle circule l'information ont permis la résurrection (!) de certains groupes n'ayant pas laissé de marques très profondes. Ceux qui nous intéressent ici, sont ceux qui ont explorés la spiritualité dans la musique. Un des plus connus et qui bénéficie d'une bonne campagne de revalorisation, est le groupe de Father Yod ou Yahowa, décédé en 1972, connu sous le nom de The Source Family. Disciple de Yogi Bahjan, James Baker s'est petit à petit dissocié des enseignements hindous du yoga de la Kundalini pour enseigner un genre de syncrétisme mystique, incorporant aussi bien des idées maçonniques et rosicruciennes. Le fait le plus marquant de la Source Family, est le groupe Ya Ho Wa 13, un groupe de rock psychédélique improvisé qui a enregistré de nombreux albums durant l'existence de ce groupe spirituel. Avec Father Yod à la tête du groupe, celui-ci disait "channeler" l'inspiration du moment et les enseignements des Grand Maîtres dans ces paroles improvisées, où il n'est pas rare de l'entendre chanter en langue. Auparavant considéré comme une curiosité de la musique psychédélique, la majorité des enregistrements sont à nouveau disponibles et restent très pertinents. Le film-documentaire "Re-Visiting FATHER and THE SOURCE FAMILY" s'avère un précieux document pour découvrir ce groupe particulier.




Une autre récente redécouverte, est The Trees Community, un groupe de hippies chrétiens dont les albums ont été réédités en 2007. Le superbe boîtier de 4 cd intitulé "The Christ Tree" vaut la peine d'être découvert par ce superbe billet du blog Les oreilles qui bourdonnent. Ce groupe a évidemment moins fait parler de lui, car il s'agit de chrétiens contemplatifs, chantant des hymnes à l'amour de Jésus et des passages de la bible. Disons que s'ils n'ont pas marqué l'histoire, c'est qu'ils n'ont pas connus les frasques que d'autres groupes ont connus. On parle plus ici d'un groupe de musiciens voyageant à travers les États-Unis et le Canada, contribuant à répandre la parole des Évangiles... un peu moins "sexe, drogues et rock'n roll".


Cette année, c'est au tour des compositions d'un groupe nommé The Process Church of The Final Judgement à renaître des cendres de l'oubli. Groupe légèrement controversé durant les années soixante, ceux-ci reconnaissaient un principe quaternaire à la divinité en les personnes de Dieu, Satan, Lucifer et Jésus, ce dernier étant le messager des trois autres entités. Naturellement, cela fut plus que suffisant pour qu'ils se fassent apposer l'étiquette satanique. Cependant, il ne semble pas que ce groupe fut ouvertement satanique, ni se réclamait des écrits fondateurs des religions sataniques. Cette triple personnification de Dieu fut simplement une lubie (ou illumination) du fondateur de la secte, lui-même ancien membre de l'Église de Scientologie. Certaines de leurs idées furent reprises par Charles Manson, mais le groupe du Process Church (ou Processean) ont entrepris des démarches judiciaires contre les auteurs ayant prétendus en des liens plus qu'idéologiques entre les deux groupes. Démarches qu'ils ont gagné par absence d'éléments prouvant des contacts directs avec Manson.

C'est au groupe Sabbath Assembly que revient le mérite d'avoir dépoussiérer les textes et les hymnes du Process Church. C'est d'ailleurs ce qui différencie Sabbath Assembly des autres groupes mentionnées plus haut. Il ne s'agit pas d'enregistrements d'époque fait par les membres de cette église. C'est plutôt un hommage à ce groupe religieux, en revisitant les hymnes de dévotions écrits par les membres. Sabbath Assembly est l'association de divers musiciens de la scène freak-folk américaine, regroupant entres autres David Nuss du No-Neck Blues Band et Jex Toth, originellement de Wooden Wand and the Vanishing Voice. Jex Toth étant la conjointe dudit Wooden Wand (James Jackson Toth). Deux groupes incroyables, mélangeant le folk et l'improvisation collective. Je me souviens d'avoir assisté au premier concert de Wooden Wand à la Casa Del Popolo il y a environ 3 ans, j'étais un fan avoué de son groupe et de son projet solo et une question me tracassait; en raison des nombreuses références à la religion et à la spiritualité, qu'elle était leur allégeance spirituelle? Faisaient-ils parti d'un groupe religieux? La réponse fut sans équivoque: on ne fait parti d'aucun groupe, si on fait cette musique c'est parce qu'on trouvait que ça manquait dans le paysage musical...




C'est donc par considération esthétique qu'un groupe de jeunots américains chantaient Dieu, la mystique et la quête spirituelle. Ça m'a un peu déçu. Je ne suis pas un fervent du "faire comme si" et certains vidéos sur Youtube montrent Sabbath Assembly "faire comme si" ils étaient dans le Process Church... Mais ils ne le sont pas. Même que je doute de leur connaissance de ce que représente s'investir corps et âme dans une démarche spirituelle, car ils auraient su reconnaître qu'on ne peut faire semblant...même si beaucoup le font...






Par contre, ils sont parvenus à créer un excellent disque de rock psychédélique, mystico-religieux, avec une saveur et une teinte résolument "seventies". C'est tout à leur honneur. Mais vu la qualité des musiciens derrière ce projet, on ne pouvait s'attendre à quelque chose de médiocre. Au début je croyais qu'il s'agissait d'un projet plus Black Métal (surtout que le label Ajna est reconnu pour ce genre de musique), ce fut une belle surprise de découvrir leur rock quand même léger, très mélodique, porté par la superbe voix, juste assez solonnelle, de Jex Toth.

Ajna ont aussi rééditer en vinyle la trame sonore du film "Lucifer Rising" de Kenneth Anger. La musique du film a été composée par Bobby Beausoleil, un des associé de Charles Manson, condamné à la prison à vie pour le meurtre de Gary Hinman. Il a composé cette trame sonore alors qu'il était incarcéré et on lui a donné le droit de monter un band de prisonniers avec qui l'enregistrer. Impressionnante pièce musicale pour une toute aussi impressionnante oeuvre cinématographique. /En passant, le disque de Charles Manson sorti sur ESP en 1974 a été réédité en cd.





dimanche 11 juillet 2010

Crabouif


Quand j'ai écouté pour la première fois l'album "L'incendie" de Brigitte Fontaine et Areski Belkacem, j'étais content de découvrir ce genre de musique dans la musicologie française. Sorti sur un label de free-jazz français, j'étais agréablement surpris de voir un disque de folk francophone dans son catalogue. J'avais, bien entendu,découvert auparavant l'album "Comme à la radio" qui a laissé une forte impression sur moi. Par la suite, j'ai entendu parler d'un disque, une collaboration entre Jacques Higelin et Areski, j'avais essayé vainement de me le procurer via les internets. J'ai finalement trouvé une copie usagée au magasin Bimbo Tower lors de mon dernier passage à Paris.

Ce disque s'est avéré une superbe découverte, me permettant d'entrevoir une facette plus expérimentale d'un grand de la chanson française, soit Jacques Higelin. C'est encore la revue Actuel qui m'a introduit avec le nom de Higelin. J'avais lu une critique d'un de ses disques où était utilisé le qualificatif "planant" pour le décrire. Je crois avoir tenté d'écouter un disque de Higelin mais je n'ai pas accroché. Sa discographie est somme toute abondante et je ne me souvenais plus quel était le titre de l'album en question. Sur cette collaboration avec Areski, les deux compères laissent libre cours à leur créativité et nous offrent un superbe disque de folk abstrait, minimal, avec des superbes paroles signées Higelin. Un disque quand même varié, oscillant entre des moments spoken word, de chanson et aussi de ethno-folk.



Suite à la lecture du livre "L'underground musical en France", j'ai appris que Higelin et Areski avaient collaboré à d'autres occasions et que les premiers disques de Higelin, sortis sur Saravah, pouvaient être aussi qualifiés d'expérimentaux. J'ai donc récemment trouvé un autre de ces cd en copie usagée à la Bouquinerie du Plateau sur l'avenue Mont-Royal (j'étais d'ailleurs avec une femme à qui j'ose dédier la chanson "Remember" plus haut). En passant, la Bouquinerie se veut de plus en plus une référence à Montréal pour trouver des cd usagés de musique expérimentale, de krautrock, de free-jazz et classique contemporain. Ils achètent aussi à bon prix. Ce cd est celui intitulé "Crabouif", sorti en 1971. Lors d'une première écoute en magasin, je n'étais pas totalement convaincu.Toujours ce caractère "naïf" qu'on retrouve sur la collaboration avec Areski, les enregistrements d'un enfant qui improvise des chansons, Arthur H , en l'occurrence, alors âgé de 5 ans (ce que je n'aime pas beaucoup, d'autant plus que cela a semblé être une mode pendant un certain temps, on retrouve ce genre d'intermèdes sur des disques de Ghédalia Tazartes, David Fenech, Aksak Maboul et autres. Le premier disque de Tricot Machine n'entre cependant pas dans cette catégorie.). Mais les chansons avaient quelque chose d'accrocheur et un titre a attiré mon attention, soit la dernière pièce du disque: "Musique rituelle du Mont des Abbesses (XXe siècle - XVIIIe Arrondissement). Lors de l'écoute j'ai été emporté par ce qui semble une improvisation au banjo, flûte orientale et voix, très minimale, aux teintes vaguement orientales. Je me suis dit que si cette pièce dépassait les 20 minutes, j'achetais le disque, car à ce moment elle vaudrait à elle seule l'album. Et comme de fait, cette pièce s'étire légèrement au-delà des 20 minutes...superbe.

vendredi 9 juillet 2010

Il était une fois dans l'Ouest


Ça fait un bout de temps que je souhaite parler de bande dessinée sur ce blog. Je ne suis pas un expert dans la matière mais j'aime tout de même en lire et continue d'en acheter à l'occasion. Comme j'aime aussi parler de choses dont on ne parle que très peu, je vais m'arrêter sur une série qui me fascine totalement, surtout par la richesse de son personnage principal, soit la série western "Jonathan Cartland". Ces bd's se trouvent facilement dans les librairies usagées, soldées à 5$ ou moins et quand je les trouvent, je les achète. Je me souviens d'en avoir lu quelques-unes lorsque j'étais enfant et je n'avais pas trop accroché. Je n'y comprenais pas grand chose et ça manquait de divertissement (pour un enfant). J'ai replongé récemment dans cette série et j'ai été frappé par sa complexité et le souci du détail du scénariste Laurence Harle.

Le personnage de Jonathan Cartland est celui d'un trappeur du 19e siècle, qui parcourt l'Amérique à la recherche de calme et de tranquilité. C'est l'aventure qui le cherche plus qu'il ne cherche l'aventure. On le retrouve souvent sans le sou, alcoolique, désabusé, dans une ville de l'Ouest américain où finalement ses talents de pisteur et de guide sont sollicités. Cartland est un anti-héros comme tant d'autres, seulement la lutte constante qu'il mène contre ses démons intérieurs ajoute une profondeur à laquelle peu de bédéiste peuvent prétendre. Il est aussi très proche des amérindiens, il connaît leurs rites, leurs pratiques et c'est tout un cours sur les premières nations qui nous est livré dans les pages de cette bd. D'ailleurs, on le voit rapidement marié à Petite-Neige, une amérindienne appartenant à la tribu Sioux des Oglalas. C'est d'ailleurs son meurtre par un guerrier Shoshone qui va libérer le langage de l'inconscient de notre héros. À partir de ce moment, on voit Cartland à la recherche de sa propre mort et trouvant du réconfort entre les bras de femmes dangereuses. Mike Tamburo l'avait compris avec sa pièce "Something about dangerous women" et Jonathan Cartland aussi. Il tombe rapidement amoureux de prostituées, meurtrières, narcomanes et ce, sans égards pour les conjoints ou autres amants. Des femmes qui sont hantées par des démons puissants, liées parfois aux siens. Que ce soit Cynthia-Ann, jeune bourgeoise anglaise enlevée par des Navajos, qui devient accro au Mescal et se retrouve pièce maitresse d'un bordel à San Francisco. Cecilia, fiancée du duc allemand Willhelm de qui il s'éprend, accro au laudanum, possédée par des crises hystériques, qui finit écrasée sous des éboulis... Bref, de très beaux personnages féminins, fortes et tourmentées, qui vont séduire notre héros qui tenteras de les sauver comme il peut.

C'est aussi une belle partie de la spiritualité amérindienne qui est exposée au gré des tribus visitées, les Mandans, Hopis, Cheyennes, Navajos... Les rêves de Cartland occupent une part importante du récit; on y voit le rituel de la Danse du Soleil, des esprits maléfiques, des rituels de purification... La dynamique religieuse et les croyances sont superbement exposées. Un souci du détail qui incorpore même le personnage d'un Honukhé, soit un "contraire" chez les Sioux, une pratique rarement explicitée lorsqu'on aborde la spiritualité amérindienne.

Il y a quelque chose de fascinant dans la spiritualité amérindienne. Je l'ai appris un peu malgré moi lors d'un cours sur le sujet que j'ai suivi a l'université. Peut-être est-ce dû au fait que j'occupe moi-même les terres ancestrales de ces tribus, que le nom du pays où j'habite et celui de nombreuses villes est issus des langues autochtones. toujours est-il que je ressens une certaine fierté à pouvoir discourir sur l'histoire amérindienne et leurs pratiques et ainsi ramener à l'esprit des gens que nous habitons leurs terres.

Et comme c'est principalement un blog de musique, je vous laisse sur cette pièce de Gila, tirée de l'album "Bury my heart at Wounded Knee", un projet de Conny Veit et Florian Fricke du légendaire groupe krautrock Popol Vuh, eux aussi probablement fasciné par l'histoire amérindienne.

samedi 26 juin 2010

Zs : "New Slaves" (The Social Registry, 2010)



Encore de la musique excitante. Les disques dont j'aimerais parler dans ce blog s'accumulent à une vitesse fulgurante et je prends beaucoup de retard dans leur écoute et leur digestion. De plus, les nouvelles entrées abondent et j'ai du me faire une liste pour ne pas en oublier. Au sommet de ma liste, depuis près d'un mois, se trouvait "New Slaves".

Je me souviens l'année dernière dans le cadre du Suoni per il Popolo,je me suis déplacé à la Sala Rossa pour voir le spectacle de Chris Corsano et Six Organs of Admittance. Ce spectacle était annoncé relativement tôt et le mot se passait qu'ils allaient commencer à l'heure. Je suis donc arrivé un peu d'avance pour finalement apprendre qu'un autre groupe s'était ajouté et avait déjà commencé., J'ai pu capter les dernières minutes du set d'un groupe New-Yorkais nommé Zs. Une dernière pièce quand même intéressante, un placement sur scène circulaire, saxophone, guitares et batterie et trouvant dans un feu croisé de rock-noise fortement inspiré de free-jazz. J'ai pu aussi être témoin du plus intense battements de main sur des cuisses de la part du saxophoniste. C'était fort, lourd, intense et ça tirait de tous les côtés. J'ai hésité à acheter un de leur cd et finalement me suis abstenu par manque de moyens.

Il y a quelques mois, le label The Social Registry a fait paraître le nouvel album de Zs, intitulé "New Slaves". Percussif, bruitiste, free, follement intense... Les montées d'adrénaline se succèdent les unes à la suite des autres,pour créer une écoute hautement participative pour un disque iconoclaste.

Zs ont crée une oeuvre intersidérale, teintée d'électroniques éclatés, d'effets de distorsion qui se déplace dans l'espace temps, allant emprunter certaines teintes au Krautrock par des rythmiques de type "motorik", s'inspirant du free-jazz, du noise et même du métal pare moment, dans l'intensité des guitares électriques.Dans ce voyage spatial, des fils électriques de haute-tension sont tendus un peu partout, comme des embûches dédiées aux voyageurs distraits qui écoutent sans porter attention. Lors du contact la décharge est telle qu'on est aisément rebuté. Cependant, les auditeurs plus attentifs et concentrés sauront manoeuvrer dans cette course à obstacle sonore et reconnaîtront la beauté de ce disque. Un grand disque, brutal, urbain, expérimental, ancré dans des courant musicaux intransigeants qui ont su marquer la musique.

L'utilisation de la distorsion sur le saxophone est superbe, Sam Hillmer n'est surement pas le meilleur jouer, mais son jeu gagne tellement en intensité qu'il parvient à nous donner la chair de poule surtout lors des vingt minutes de la pièce titre. Par chance des pièces plus tranquilles viennent créer une brèche dans cet assaut délirant. Ainsi, la superbe "Masonry" vient nous offrir un moment de repos tout en douceur et les deux pièces qui clôturent le disque "Black Crown Ceremony I et II" sont plus retenue, les percussions sont quasi absentes et on se fait traîner dans un univers beaucoup plus ambiant. Sombre , mais ambiant. Finalement, le battage de mains qui m'avait impressionner semble se retrouver sur la pièce "Acres of Sin", un morceau rythmique hallucinant.

jeudi 17 juin 2010

Peeesseye & Talibam! (Invada records 2010)



J'ai entendu parler de Peeesseye lors de leur passage au festival de Victo en 2008. À ce moment, c'était le seul spectacle qui avait attiré mon attention, seulement, la perspective de dépenser 30$ pour ce show, sans compter les deux heures de trajet, ont refroidi considérablement mes ardeurs. J'ai quand même fait mes recherches et déniché deux de leurs albums sur le label Evolving Ear soit, "Commuting between the surface & the underworld" et "Mayhem in the Mansion". Deux excellents disques de folk/noise très sombre, où les trois musiciens de Peeesseye ne rebutent pas attaquer l'abstraction de plein front. D'ailleurs, c'est surement grâce au label Evolving ear que ces deux groupes ont fait connaissance (ou ils se connaissaient déjà), Talibam! ayant fait paraître un cd-r sur ce label.

Les gens qui s'intéressent sérieusement à la musique expérimentale et au free-jazz ont surement entendu parler du duo Talibam!. Depuis près de deux ans, le tandem de Kevin Shea au drums et Matt Mottel aux claviers, fait considérablement parler de lui. Ils cumulent les albums abrasifs de musique improvisée ainsi que des collaborations avec des jazzmen aux mêmes affinités qu'eux. D'ailleurs, ils font parti des quelques groupes contemporains ayant sorti un disque sur le label ESP depuis la reprise de leurs activités l'année dernière. Il và sans dire que Talibam! attire l'attention mais la mienne est passée à côté, trouvant leur free-jazz trop bruitiste et énergique pour m'inciter à acheter un de leur disque.

C'est donc Peeesseye qui m'a convaincu de prendre une chance avec ce disque. Et quelle chance... Ce disque est tout simplement phénoménal. Et je pèse mes mots. Une sublime collaboration entre des artistes partageant une esthétique similaire. Un joyeux mélange de rock, jazz, folk et noise dans un tourbillon multicolore nous propulse dès la première pièce dans un monde complètement excitant. La première pièce "You tried (to eat it)" est supportée par une rythmique dynamique très rock, un riff de guitare monstrueux et des claviers tellement entraînant que je ne peux réprimer un sourire quand la toune démarre pour de bon. Je ne sais pas ce qu'ils ont essayé de manger mais quelqu'un ne semble pas apprécier. Cette pièce à elle seule vaut le disque et ce qui s'ensuit est tout aussi bon. Outre les claviers et le drums, le trio de John Forsythe, Jamie Fennelly et Fritz Welch joue principalement des électroniques indiscernables, de la guitare et des percussions. Ils jouent aussi surement d'autres choses mais l'absence d'infos sur ce disque nous laisse avec le jeu du : "devine les sons qui sont sur ce disque", jeu auquel je n'excelle pas beaucoup.



Enregistré en deux jours, ce disque est focusé en une direction commune; celle qui se dirige à l'extrême des genres et qui se fiche bien où cela peut les mener. Ici,le qualificatif "fusion" veut dire vraiment autre chose que ce à quoi on s'est habitué. Les pièces se fondent les unes dans les autres sans accrochages majeurs et les musiciens nous apparaissent hautement à l'écoute de ce qui se passe. Je crois bien qu'il s'agit de sessions d'improvisation et si c'est le cas, c'est de la haute voltige. Le free-jazz de l'ère "Fire Music" est finalement en train de se redéfinir avec des musiciens d'une autre génération qui osent incorporer leurs influences et les nouveau genres. Le seul point faible est la pièce "Everything for Everyone", un morceau plus noise avec des paroles "démoniaques" tenant des propos peu intéressants sur leur besoin de demeurer sans visage dans ce monde de l'identité afin d'être tous et chacun...bof... Mais par chance cette voix ne dure pas très longtemps et est sauvée en partie par le support d'un autre vocaliste qui récite les mêmes paroles mais de façon plus chantée et sans les effets démoniaques. Mais le reste est de la bombe. Le terme psychédélique s'applique ici mais je manque de qualificatifs pour définir ce que j'entends, surtout dans les moments les plus doux de guitare accompagnés de drones et de claviers mélodiques, tout en demeurant abrasif. L'intensité et les moments plus réfléchis se côtoient sans heurts et font de ce disque une oeuvre de musique improvisée s'inscrivant dans la tradition du free-jazz mais se permettant également de redéfinir le genre.


Talibam! est en spectacle dimanche au Souoni Per Il Ppolo avec les groupes locaux Tonsstartbands et Panopticon Eyelids. À la Casa.